On ne peut oublier une des raisons majeures pour lesquelles il est pertinent de poser ainsi en permanence la question de la « DestinationEurope » lorsqu’on s’intéresse au tourisme. En période de crise, la réussite ou plutôt le rebond économique constitue un mot d’ordre qui prime avant tout autre. La Communication de la Commission Européenne adressée à toutes les autres instances de codécision de L’Union européenne en juin 2010 est claire : les pays de l’Union demeurent au total la première destination touristique au monde.
Les chiffres cités en 2010 doivent être réévalués à la
hausse, mais je les garderai tels puisque je cite cette Communication :
« …avec 370 millions d’arrivées de
touristes internationaux pour l’année 2008, soit 40 % des arrivées à travers le
monde, parmi lesquels 7,6 millions en provenance des pays BRIC (Brésil, Russie,
Inde et Chine), en nette croissance par rapport à 4,2 millions en 2004. Ces
arrivées ont généré des revenus de l'ordre de 266 milliards d'euros, dont 75
milliards d'euros par des touristes venant d'en dehors de l'Union. Quant aux
voyages effectués par les ressortissants européens eux-mêmes, ils sont estimés
à environ 1,4 milliard, dont environ 90 % ont lieu au sein de l’UE.»
Un jour de juillet devant Notre-Dame à Paris
Mais ce serait bien entendu très réducteur de
n’examiner que les politiques touristiques mises en place entre les vingt-sept
et certains de leurs voisins, même si l’objectif est d’abord la compétitivité
commune de vingt-sept partenaires : « L'amélioration de la compétitivité du tourisme dans l'UE joue un rôle
crucial pour la réalisation des objectifs de la stratégie de l'UE pour la
croissance et l'emploi. Dans ce contexte, le secteur du tourisme doit
absolument relever plusieurs défis, parmi lesquels le vieillissement de la
population, la croissance de la concurrence mondiale, le développement durable
et l'évolution de la demande pour certaines formes de tourisme. » lit-on
dans les textes.
Toutes les composantes de l’Union européenne mettent
en avant la lutte contre la crise économique, parfois un peu comme un garde-fou
en insistant sur la chance d’un changement du modèle de développement, mais le
plus souvent comme un mot d’ordre incantatoire. Cependant d’autres
organisations dans le monde et en Europe ont reçu des compétences en matière de
tourisme européen et leurs préoccupations sont à la fois beaucoup plus larges
et parfois plus fondamentales, je veux dire par là qu’elles ont pour mission d’examiner
les évolutions et de tenter de prévoir les scénarios du futur. Elles exercent parfois
des compétences directes parce qu’elles sont chargées de réfléchir, de
surveiller, de veiller, ou même d’encadrer des pratiques liées au tourisme. Ou bien
elles ont reçu des compétences indirectes
parce qu’elles sont à l’origine de labels qui donnent par contrecoup de la
visibilité touristique aux lieux et manifestations visités, ou bien qu’elles
ont – j’allais écrire au contraire - pour mission d’éviter une
sur-fréquentation touristique ou d’en mesurer l’impact et les conséquences néfastes
afin d’éviter les dérives.
Ces premiers posts ne visent qu’à esquisser les
différences et les complémentarités entre ces organisations.
Tourisme à l’échelle mondiale
L’Organisation mondiale du tourisme dont le siège
est à Madrid est une institution spécialisée des Nations Unies et la principale
organisation internationale dans son domaine de compétence. Elle fait office de
tribune mondiale pour les questions de politique touristique et elle est une
source d’échanges d’informations et de savoir-faire. Elle regroupe 161 pays et
territoires et plus de 409 Membres affiliés représentant le secteur privé, des
établissements d’enseignement, des associations de tourisme et des autorités touristiques
locales. Précédée depuis 1947 par l’Union internationale des organismes
officiels de tourisme (UIOOT), la première Assemblée générale de l’OMT se
réunit en mai à Madrid à l’invitation du gouvernement de l’Espagne. Robert
Lonati est élu premier Secrétaire général et l’Assemblée décide d’établir à
Madrid le siège de l’Organisation. Du fait de son rattachement au système des
Nations Unies dans les années 2000, elle met bien entendu plus clairement en
avant certaines des valeurs fondamentales de l’Organisation mondiale pour la
paix, mais en fait cette préoccupation a toujours été présente, même quand l’organisation
ne bénéficiait que de la coopération de commissions régionalisée. C’est ainsi qu’en
1967 elle adopte l’idée d’une Année internationale du tourisme (AIT) avec pour
thème « Le tourisme, passeport pour la
paix ». Au cœur de ses missions, le type de développement visé est
clairement exprimé : « L’OMT
encourage l’application du Code mondial
d’éthique du tourisme afin de maximiser les bienfaits socioéconomiques du tourisme tout en limitant à un
minimum ses possibles incidences négatives. L’Organisation a pris l’engagement
de promouvoir le tourisme en tant qu’instrument pour atteindre les objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD) établis par les Nations Unies dans
l’optique de faire reculer la pauvreté
et de favoriser le développement durable. »
Un dimanche matin à Madrid au marché des antiquaires
Mais cette noble déclaration d’intention est mise en
avant sans oublier l’importance croissante de ce secteur économique et le fait
qu’il s’agit d’une véritable industrie mondialisée dont les secteurs d’activités
les plus importants participent à quelques-uns des pires excès de la
mondialisation : « Aujourd’hui, le volume d’affaires du secteur touristique
égale, voire dépasse celui des industries pétrolière, agroalimentaire ou
automobile. Le tourisme est désormais un des grands acteurs du commerce
international et, en même temps, il constitue une des principales sources de
revenus de beaucoup de pays en développement. Cette croissance va de pair avec
l’accentuation de la diversification et de la concurrence entre les
destinations. » Elle va aussi de pair avec la multiplication des vols
commerciaux et de leurs effets polluants, ainsi qu'avec un accueil touristique fondé sur
une concentration capitalistique avec les pays émetteurs et les compagnies de
transport à bas coût, aux dépens des pays récepteurs. Sans parler de l’effet de destruction des réunions de
masse sur les même sites.
Les chiffres sont en effet parlants : De 1950 à
2011, les arrivées du tourisme international ont progressé à un rythme annuel
de 6,2 %, passant de 25 millions à 980 millions. Le milliard est attendu pour
cette année puisque l’OMT prévoit une croissance des arrivées de touristes
internationaux entre 3% et 4% en 2012.
Règlement pour les cars à Paris
En compensation des excès et j’allais dire en
prélevant une cotisation sur les pays émetteurs et récepteurs les plus riches,
cette organisation est en particulier destinée à aider les pays émergents et
sous-développés à structurer – et à protéger – leur offre, mais l’OMT se tourne
également vers ceux où le tourisme a régressé pour des raisons conjoncturelles,
comme par exemple le Japon aujourd’hui. Du point de vue médiatique, elle est à
l’origine de la « Journée Mondiale du Tourisme » qui s’adressera
cette année à la dimension de durabilité et connaît sa contrepartie en Europe,
la « Journée Européenne du Tourisme »
dont le thème européen est consacré
cette année 2012 à la saisonnalité et au tourisme côtier et maritime.
Il est toujours intéressant de consulter la liste
des activités prioritaires de l’OMT où une partie de celles-ci n’est d’ailleurs
exprimée qu’en langue anglaise, mais dont chacune bénéficie d’un site web
spécialisé : « Consulting Unit
on Tourism and Biodiversity », « Hotel Energy Solutions », « Protect Children » (une task force), « Tourisme et réduction de la pauvreté »
et « Tourcom » cette
dernière visant à rationaliser les moyens de communication, ce qui à la lecture
du site web ne semble pas la tâche la plus facile.
Hotel Energy Solutions
La Route de la Soie qui figurait dans cette liste de
priorités à la fin de l’an passé est devenue un projet qui doit maintenant trouver
ses propres forces pour son développement futur en additionnant toutes les
impulsions et les apports des parties prenantes, ce qui n’est pas rien puisque
le projet se présente sans complexe comme « la route la plus importante dans l’histoire de l’humanité ».
Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détails pour ce qui concerne l’Europe
et l’histoire même de ce projet durant la décennie culturelle de l’UNESCO (les
pays du Caucase du sud, la Bulgarie et la Croatie ont rejoint le projet). Une
réunion aura lieu en septembre 2012 dans un des pays membres du Conseil de l’Europe,
l’Azerbaïdjan de manière à mettre en évidence les saveurs de cette route et de tenter
de lui donner un essor parmi les routes gastronomiques du monde.
Marché aux bestiaux. Kashgar. Route de la soie...et de l'Olivier 2007.
On ne manifestera aucun étonnement à constater à la
lecture du thème choisi que le problème qui semble le plus à la mode dès qu’il
s’agit de l’Europe (y compris des itinéraires culturels européens) est celui de
l’importance de trouver une marque qui distingue cette destination des autres,
ou bien encore chaque destination dans une cohérence avec les autres territoires
de la même zone de chalandise. On ne s’étonnera pas non plus que les mêmes
spécialistes interviennent à tous les niveaux des organisations avec des
discours stéréotypés qu’ils changent à peine selon les publics. Soit l’Europe
est envisagée par ces experts comme une union économique plutôt occidentale de
vingt-sept pays qui doivent définir un label cadre, comme le recherche en ce
moment l’Union européenne. Soit la conception de l’Europe repose sur un
ensemble d’itinéraires et de réseaux thématiques qui doivent à tous prix trouver
une cohérence, comme le fait le Conseil de l’Europe dans un ensemble géographique et culturel allant de l’Atlantique
à l’Oural. Ou encore, comme l’envisage l’OMT pour ses membres, l’effort de
cohérence s’exerce dans un espace s’étendant de l’Atlantique à la Caspienne.
Batumi by night. 2008.
Pour se faire une opinion, on peut télécharger toutes
les communications de cette réunion sous forme de powerpoint. « A brand is a promise made to the consumer »
affirme l’une d’entre-elles, tandis que l’introduction au colloque exprime
cette remarque sans équivoque : « Brands
are a promise, a set of values and ideas. Brands attach an emotional value to
any destination. Our emotions are unique. Tourism is all about living
experiences and feeling new sensations and this is why tourism destinations
must be branded. This seminar will help to achieve greater awareness about the
added value of effective brand design, development and management.” Et pour être complet: “When everyone is talking about the importance of local identities,
authenticity and uniqueness, can local branding really fit in with regional and
national branding?” s'interroge Eulogio Bordas représentant de THR - Innovative
Tourism Consultants.
C’est ainsi que le délégué de la Roumanie a longuement commenté comment ce pays, enclave verte débouchant sur la Mer Noire, était devenu dans la sémantique touristique des experts « Le jardin des Carpates », un slogan confié à quelques ambassadeurs sportifs nationaux afin qu’ils le popularisent dans le monde entier.
Par ailleurs, on pourra lire une très intéressante étude prévisionnelle présente des hypothèses de développement jusqu’en 2030.
C’est ainsi que le délégué de la Roumanie a longuement commenté comment ce pays, enclave verte débouchant sur la Mer Noire, était devenu dans la sémantique touristique des experts « Le jardin des Carpates », un slogan confié à quelques ambassadeurs sportifs nationaux afin qu’ils le popularisent dans le monde entier.
Par ailleurs, on pourra lire une très intéressante étude prévisionnelle présente des hypothèses de développement jusqu’en 2030.
En tout cas, grâce à la communication de THR -
Innovative Tourism Consultants vous saurez tout sur ce qui se passe dans la
tête ou plutôt le cerveau du consommateur quand il s’agit d’identifier une
marque. Reste à savoir si on veut s’adresser à des consommateurs au sens
traditionnel du marché ou à des esprits curieux qui veulent seulement qu’on
leur donne les éléments de connaissance qui leur manquent et des clefs pour
aller plus loin. On a parfois envie d’un peu moins de théorie sur la marque Europe,
un peu plus de réflexion sur la destination Europe et d’encore plus d’effort de
réflexion sur la nature et les composantes de la dimension imaginaire Europe.
Devant cette nécessité du « branding », une nouvelle idéologie
est en train de naître – au sens d’un corpus d’idées –, celle de l’identité de
marque qui tend à remplacer une autre idéologie qui a été prédominante très
longtemps, celle de l’identité culturelle « pure » et « authentique »,
appliquée en particulier au monde rural comme destination. Comme l’affirmait
Rachid Amirou il y a déjà vingt ans « La
notion d’imaginaire nous aide à décrire simplement les relations entre un sujet
et d’autres domaines où s’exerce l’activité de l’esprit : art, pensée,
mythe, religion et tourisme. » en ajoutant « Le langage des touristes formule des jugements esthétiques en des lieux
et à des moments où on ne les attend pas toujours. »
S’agit-il de
rendre les touristes conformes aux marques ou de les laisser eux-mêmes élaborer
des liens sociaux dans une pluralité de valeurs et un pluralisme esthétique à
partir de propositions ouvertes ? Je pense qu’on aura compris, avec tout
le respect que je dois aux spécialistes du marketing, que je penche et ai
toujours penché pour la deuxième démarche.
Remarques :
“Accordingly, the European economy has
not been left unaffected by the impact of the global economic crisis whose
immediate repercussions have been most notable in the tourism sector. The
mature economy of Europe is expected to struggle in 2012. As WTTC indicates,
the prospects for Travel & Tourism growth in Europe for 2012 are
precarious. Current forecasts suggest a 0.3% increase in Travel & Tourism
direct GDP for the region overall, but this will be propped up by newer economies
such as Poland and Russia. A decline of 0.3% is expected across the European
Union. Consumer spending is set to tighten as austerity measures kick in, and there
continues to be considerable uncertainty around the future of the euro-zone and
the peripheral economies of Greece, Spain, Italy and Portugal. Despite the
gloomy forecasts, the tourism industry will never cease to be an integral
component of the European economy and a significant driver for growth and
employment. The year 2012 may be another year full of challenges for Europe
but, hopefully, tourism will survive these as it has overcome a wide range of
obstacles since the onset of the 21st century.” (Mr. Spyridon Parthenis,
Head of the International Relations Directorate, General Secretariat of
Tourism, Ministry of Culture and Tourism of Greece, Chairman of the UNWTO
Commission for Europe).
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