Dans le nouveau
contexte où les pays européens membres de l’Union Européenne vont devoir
collaborer, on se demande parfois quelle est la politique spécifique qui est
encore menée aujourd’hui par chacun d’entre eux. C’est la raison pour laquelle
il me semble intéressant de prendre les pays les uns après les autres, en
s’appuyant sur des actualités qui
possèdent un sens symbolique ou montrent en tout cas des évolutions frappantes.
Des salons aux offres nationales
Les professionnels
du tourisme européen vont se retrouver à l’ITB de Berlin du 7 au 11 mars
prochain. Mais en même temps, il ne s’agit pas que d’un rendez-vous pour les
professionnels. Les deux dernières journées sont ouvertes à tous. Compte tenu
des enjeux industriels, on ne peut pas s’attendre à ce que la page d’accueil
cherche à mettre en avant des messages pointus. Le soleil, les îles, le surf,
les déserts, les pyramides et les minarets, les temples grecs et les ruines
romaines constituent les coiffures à la mode. Une mode qui date quand même de
plusieurs années. On y attend 170.000 visiteurs. Tout un monde, autrement dit
où, sans repères et sans soutien une offre pointue disparaît, encore plus qu’à
Madrid ou Milan.
“Travel &
Tourism accounts for 258 million jobs globally. At US$6 trillion (9.1% of GDP)
the sector is a key driver for investment and economic growth and at a global
level. It is larger than the automotive industry at 8% GDP, and just smaller
than banking at 11%. Our key challenge in the industry is to stimulate jobs and
investment, eliminating barriers to travel such as visa restrictions, taxation,
and outmoded infrastructure systems. I am confident that these issues will be
addressed at Europe’s premier travel trade fair - ITB Berlin. It is the key
place to learn about new trends, market developments, and to deepen existing
business relations”, affirme d’emblée David Scowsill, President & CEO,
World Travel & Tourism Council. C’est en effet une réalité prégnante face à laquelle se sont développées
des actions de conseil et des séminaires en ligne. Tout un business, autrement
dit.
Toutefois, à côté
des grands marchés de l’exotisme et de la croisière, du b to b et du tourisme de congrès, il reste des niches pour le
tourisme culturel. Le discours n’est certes pas très élaboré et même assez
convenu mais l’espace existe :
“For a
growing number of people culture represents a main motivation for their holiday
decision. Therefore, cities and
regions increasingly use the possibility to highlight their cultural offers to
draw tourists also during low season to their destinations. Cultural tourism
plays a decisive role to increase the touristic capacity utilisation. ITB Berlin
is also taking this topic into account. Therefore, national as well as
international exhibitors present their services and products of this particular
segment to the public and trade visitors in hall 10.2.”
Par ailleurs l’écologie et les exigences environnementales
ont fait plus que percer. Elles constituent une nécessité incontournable.
Segment réel du marché, ou simple affichage ?
: “ECOtourism stands for a
touristic reorientation. It centers
travel products which make a contribution to the protection of the environment
and to the well-being of the guest population. Qualitative high-value journeys
which allow sensual nature experiences and a personal insight into the culture
of the guest country. ECOtourism offers an international panel and an advertising
platform for products, offers, and concepts that target a sustainable
development in tourism.”
Mais revenons à la
destination allemande. Le moins que l’on puisse dire est que l’état fédéral est
optimiste :
«En 2011 la destination
Allemagne a battu son record de l’année dernière et enregistré 63,6 millions de
nuitées de touristes étrangers. Avec 330,3 millions de nuitées de touristes
allemands, l’Allemagne reste la destination préférée des Allemands. Nous
souhaitons dépasser la barre des 400 millions de nuitées» déclarait Ernst
Burgbacher, secrétaire d’Etat parlementaire après du ministère fédéral de
l’économie et de la technologie, en charge des classes moyennes et du tourisme.
Tandis que Pétra Hedorfer, directrice de l’Office national ajoutait :
«Ainsi en 2011 l’Allemagne est, avec une
croissance d’environ 5%, la seconde destination préférée des Européens, juste
après l’Espagne (environ 10%). D’après les données provisoires d’IPK
international, ce résultat lui permet de creuser l’écart avec la France (environ
2%).» Dans un esprit d’entente cordiale européenne, voilà donc la France
prévenue.
Justement, le site
de l’Office national du tourisme, dans sa version française se pare des
couleurs de la culture et de la nature et dispose même d’un blog spécialisé
pour la présentation des actualités culturelles et muséographiques. Je
conseille à chacun de le visiter régulièrement. Avec le site du CIDAL et les
informations régulières que je donne sur mon profil facebook, c’est un bon
moyen de suivre l’actualité culturelle, si on se fonde sur l’événementiel pour
organiser un voyage. Explorez-le, cherchez y les villes et les sites. On peut
même se demander à un certain moment s’il ne s’agit pas plus d’un site de
valorisation patrimoniale qu’un site de services touristiques. On comprend par
contre cette réserve et cet esprit généraliste quand on sait que ce sont les
Länder qui sont maîtres de leur politique touristique. Ce qui veut dire par
conséquent que l’on doit explorer région par région pour aller dans le détail. Ce
que nous ne manquerons pas de faire dans les mois à venir, en fonction des
événements en cours.
Rien d’étonnant
donc, dans cet esprit fédéral à ce que l'office du tourisme mène, jusqu'au 15
mars, une enquête visant à établir les 100 sites touristiques préférés des
visiteurs étrangers en Allemagne. Traduite en 26 langues, cette enquête est
accessible depuis le site Internet et depuis Facebook. Les résultats seront
utilisés pour développer une application pour smartphone.
Complémentairement,
depuis le 28 février, le ministère fédéral des Affaires étrangères présente
l’exposition «Welterbe in Deutschland»,
qui illustre la beauté et la diversité des sites allemands classés au
Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet événement fait partie des festivités
organisées à l’occasion du 40e anniversaire de la convention pour la protection
du patrimoine mondial, culturel et naturel. «Préserver la culture et entretenir
le Patrimoine mondial forge l’identité culturelle», a souligné de son côté
Cornelia Pieper, ministre adjointe aux Affaires étrangères, en inaugurant
l’exposition qui sera ouverte au public jusqu’au 13 avril 2012, du lundi au
vendredi, de 10 à 20 heures.
Les chemins de traverse
Quoi d’autre ?
Depuis que la commission européenne a mis en avant la pertinence du site mis en
place par l’European Travel Commission, je ne manque pas de regarder la manière
dont les destinations sont présentées. Dans la version française du site on
peut ainsi lire :
«L'Allemagne a tant de
choses à vous faire découvrir. Facile à visiter tout au long de l'année, vous
découvrirez des trésors culturels et des richesses de modernité. Le paysage de
l'Allemagne est aussi diversifié que tout autre pays au monde. Depuis les
stupéfiantes montagnes alpines qui abritent le Zugspitze, le sommet le plus
élevé d'Allemagne avec ses 2.962 mètres, fournissant un domaine idéal pour les
randonneurs en été et les skieurs et surfeurs en hiver; jusqu`aux 38 kilomètres
immaculés de plages de sable doré sur l'Ile de Sylt et le Parc National de
Wattenmeer au Nord. Ou encore la Forêt Noire, qui ne regorge pas seulement
d'une faune et d'une flore odorante, mais aussi de mythes et légendes de fées
et de lutins qui y résident. Les grandes villes allemandes ne manquent jamais
d'enchanter les visiteurs curieux.» Je laisse les lecteurs juges de la
pertinence de ces évidences et de l’imagination du style.
Si vous voulez aller
plus loin, rendez-vous donc de préférence sur les sites des Länders et ne manquez pas de
regarder des offres que les itinéraires culturels qui traversent l’Allemagne
vous proposent.
Trois routes dont
les initiatives sont nées en Allemagne et bénéficient d’un management dans leur
pays, mais concernent de cinq à dix pays européens, représentent de très bons
exemples d’un lien réel entre le patrimoine, la culture et l’économie
touristique. Il s’agit de l’itinérairede la brique gothique, lié en grande partie aux Villes de la Hanse, de celui
des forteresses de la Baltique et enfin de celui qui porte sur les théâtres historiques.
Opéra margrave de Bayreuth
Ne manquez pas bien
sûr de visiter les sites web des itinéraires reconnus par le Conseil del’Europe et dont certains, au-delà de leur remarquable pouvoir symbolique et
des actions de citoyenneté européenne qu’ils savent mettre en œuvre, présentent
des offres touristiques. Nous y reviendrons plus en détail. Il s’agit
principalement de la Via Regia (voir site en anglais), de Transromanica qui
comporte de réelles offres de tourisme alternatif, en particulier cyclable, des
Villes de la Hanse dont les offres sont très dispersées et bien entendu des
chemins pédestres, dont ceux vers saint Jacques de Compostelle, et depuis peu,
du Nord de l’Allemagne vers Trondheim sur les routes de saint Olav.
Eglise de Jerichow - Route de l'art roman en Saxe-Anhalt
La mémoire au centre du jeu
Maison de Hundertwasser à Magdebourg
Culture, vous avez
dit culture ?
Les routes sont
ouvertes. Je suis resté volontairement assez classique et patrimonial, puisque
le mot d’ordre fédéral est bien là…mais les innovations alternatives sont
nombreuses et chacun peut prendre les chemins de traverse le long de l’Elbe en
vélo, en parcourant les sites industriels de grands bassins sidérurgiques et
miniers où se sont constitués des festivals et des musées, à l’intérieur même
des grands halls des usines, pour ne pas parler des lieux du Bauhaus et des
jardins historiques et contemporains qui ont su se relier par une route de
rêve…le Gartentraüme.
Au fond la
réunification de ce pays est récente. Le projet de la Via Regia, grande
transversale venue d’Ukraine est une réponse fabuleuse à ce travail de reprise
de mémoire qui continue chaque jour autant par des reconstructions, que par des
expositions ou des centres qui explorent les archives les plus récentes ;
celles de la période nazie, comme celles de la période communiste. Une ville
comme Weimar, reliée à Buchenwald reste tout autant un symbole que la ville de
Berlin réunifiée. Le tourisme de mémoire, comme le tourisme vers les racines, à
la recherche des lieux de l’émigration est lui aussi un domaine que des
associations et des villes ont su mettre en valeur.
«Rien ne fausse plus
perfidement la figure de Goethe que l'image sereine que l'on s'en fait
communément (en France du moins). Cette sorte de félicité suprême, où se maintenir
impassible et souriant dans une région inaccessible aux orages, n'est pas la
sienne. Son spinozisme ne va pas jusqu'à chercher à se soustraire aux passions…
Au contraire, il s'abandonne d'abord à chacune, sachant s'en instruire, et ne
cherche à s'en délivrer que lorsqu'elle n'a plus rien à lui apprendre. Son but,
s'il en eut un autre que celui de vivre le plus possible, c'est de la culture,
non le bonheur.». La phrase est d’André Gide.
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