Ce n’est certainement pas sans raison qu’un ensemble de ministères et de partenaires financiers du Grand-Duché de Luxembourg ont senti la nécessité d’organiser fin février une table-ronde intitulée : « Le Luxembourg vu de l’étranger ». Qu’on en juge. Il s’agissait du ministère des Affaires étrangères, du ministère des Classes moyennes et du Tourisme, du ministère de la Culture, du ministère de l'Economie et du Commerce extérieur, du Service Information et presse du gouvernement, ainsi que de Luxembourg for Business et Luxembourg for Finance.
L’heure est-elle si grave ? De fait, cette table-ronde
fait partie des quatre actualités principales qui figurent sur la page d’accueil
du ministère de l'économie (Département du tourisme) qui avait déjà commandé il y a deux années des films
pour dénoncer avec humour les visions caricaturales concernant le Luxembourg.
Par ailleurs le magazine le plus branché business du Luxembourg, « Paperjam »
annonçait l’événement en ces termes : « La devise luxembourgeoise « mir wëlle bleiwe wat mir sinn » (nous voulons
rester ce que nous sommes) prend du plomb dans l’aile. » tandis qu’un
des participants, censé jouer les trouble-fêtes, l’artiste Serge Tonnar
déclarait : « En tant que
Luxembourgeois, nous voulons rester ce que nous sommes, mais en fait nous ne
savons pas ce que nous sommes! ».
Les réactions recueilles
ou sollicitées provenaient à la fois du Nation Brands Index (NBI) auquel le
Luxembourg a participé pour la première fois en 2011 et d’autre part, d’une
enquête qui a ciblé deux milliers de personnes, dont plusieurs centaines ont
répondu, si on en croit les organisateurs. On retrouve bien évidemment deux
pôles dans les réactions intra-européennes : « Paradis fiscal » et « Pays de
paysans », ce qui peut se traduire également si on veut être positif par :
pays sûr et accueillant et pays protégeant la nature, ce qui expliquerait les
réactions positives des touristes chinois que j’évoquais le 13 mars. Mais le
Grand-Duché semble avoir bien du mal à se défaire de ces vieux clichés auprès
du reste de l'Europe et comme le remarque le site news 3/5/2 en enfonçant
le clou : « au-delà de l’Europe, la question ne se pose pas car le pays y
est presque inconnu. »
Cette question du
branding qui préoccupe tellement le monde du tourisme européen, à un moment
crucial de réflexion sur une marque Europe et de réflexion parallèle sur un
Label européen de qualité touristique, doit bien entendu concerner chaque pays
européen pris séparément, mais aussi l’ensemble des pays européens pris
collectivement. Qu’est-ce en effet que la valeur européenne et l’originalité des sites européens, double question à laquelle le nouveau Label du patrimoine européen
devrait pouvoir répondre ? Qu’est-ce que la Commission Européenne peut
élaborer à un niveau supérieur en termes de norme de qualité dont le Label
touristique puisse « abriter » des normes nationales déjà existantes
dont certaines s’accompagnent de récompenses ?
Les best agers
Mais revenons au
Luxembourg. Chaque année, le Salon Vakanz se propose comme une avant-première
parmi les salons européens du tourisme. Il est certes plus modeste dans ses
ambitions que Berlin, Madrid ou Milan, mais joue en effet un rôle tout à fait
pertinent dans une zone de chalandise transfrontalière, entre monde francophone
et monde germanophone. Que précisait le communiqué du salon 2012 ? « Dans la continuité des dernières années, la
promotion touristique reste d'actualité et se focalise de nouveau sur un sujet
phare. Après la gastronomie en 2010 et le tourisme actif en 2011, la promotion
touristique de l’année 2012 cible une clientèle spécifique: les « best
agers ». » Je dois me sentir concerné à plus d’un titre. D’abord
parce que j’ai dépassé les cinquante ans, voire un peu plus, mais aussi parce que
j’ai eu le privilège d’être un touriste permanent dans de pays, pendant les
quinze années exactement situées dans la tranche d’âge visée, tranche dans
laquelle j’espère rester encore quelque temps avant de devenir un worst agers.
Il faut cependant préciser que cette cible « à pouvoir d’achat
élevé » n’est pas recherchée qu’au Luxembourg, mais dans toute l’Europe
puisque : « Ils réunissent plus
de 50% du patrimoine total en Allemagne et concentrent plus de 40% du pouvoir
d’achat total dans l’Union européenne. » Dans les résultats des
études, on ajoute que « …les voyages
des européens de 55+ ont augmenté de 17% entre 2005 et 2010. La part de marché
de cette classe d’âge correspond à 27% de tous les séjours à l’étranger en
2010, ce qui représente 78 millions de voyages (séjours d’affaires non
compris). La nature, l’offre culturelle, le patrimoine historique, le bien-être
/ wellness, la détente, la gastronomie, les produits régionaux et les
randonnées pédestres ou cyclistes sont les principaux motifs de voyage de cette
clientèle. D’une manière générale on peut regrouper ses intérêts sous le motif
"savoir-vivre". »
Une grande part de
la clientèle du tourisme culturel transfrontalier, donc !
Quartier du Grund
Mais comment le
Grand-Duché peut-il, compte tenu d’une image restée caricaturale, attirer les
trois infra-catégories définies un peu comme des sociostyles ? : Les
"hédonistes" ou "bons
vivants", qui favorisent le confort (voire le luxe), la gastronomie de
qualité, la détente et le bien-être. Ils aiment profiter de la vie et passer du
temps avec leur famille ou leurs amis. En général, ils dépensent un budget
considérable. Les voyageurs
"enthousiastes", qui sont très actifs, entreprennent beaucoup
d’activités lors des séjours et sont à la recherche de découvertes et
d’expériences enrichissantes. Les "explorateurs
culturels", qui préfèrent les visites de musées, les sites culturels,
le patrimoine historique et les événements culturels. Ils cultivent un style de
vie plutôt élitaire, ont soif de culture et sont particulièrement critiques et
exigeants.
Vélo au Mullerthal
Les réponses à
cette demande potentielle devraient logiquement se trouver dans le magazine
"Best of Luxembourg - spécial bestagers", qui est téléchargeable sur le site du Ministère de la Culture
en version française, allemande et néerlandaise. Les trois catégories visées
ci-dessus y trouvent en effet des réponses, mais je me suis bien entendu rendu
au plus vite sur le chapitre « L’Europe fait partie de l’identité luxembourgeoise ». Le texte, rédigé par Robert Louis Philippart, Directeur
de l’Office National du tourisme et brillant historien ne laisse rien à redire.
On rêverait même que d’autres pays européens pratiquent la même approche
multiculturelle. En quelques mots : « Si la forteresse de Luxembourg est aujourd’hui patrimoine mondial de
l’UNESCO, cette œuvre monumentale du génie militaire rappelle aussi la
cohabitation de la population locale avec des garnisons étrangères, et ce
depuis 1443, quand le Luxembourg a perdu l’indépendance dont il jouissait au
Moyen-Âge et a été annexé par la Bourgogne. Les Français, les Espagnols, les
Autrichiens et les Prussiens ont occupé à tour de rôle les murs de la
forteresse. La cohabitation de plusieurs nations a donc une longue tradition au
Luxembourg. En tant que partie des Pays-Bas espagnols et autrichiens ou en tant que Département des Forêts français, le
Luxembourg a appris à se développer au sein d’une communauté plus grande. Au
plan spirituel aussi, l’ancien Duché de Luxembourg, devenu Grand-Duché en 1815,
était divisé en 4 évêchés, ce qui explique la grande diversité culturelle du
patrimoine religieux. Ce n’est qu’en 1870 que le Luxembourg est devenu un
évêché indépendant et en 1988 un archevêché. »
Le site de l’OfficeNational du tourisme est d’ailleurs à même de fournir tous les renseignements
touristiques et culturels nécessaires. Pour ceux qui veulent en savoir plus, le
site des itinéraires culturels du Conseil de l'Europe (spécificités des partenaires de la Grande Région) est aussi disponible.
Mais je peux me
permettre d’y ajouter une partie des plaisirs que j’ai trouvés pendant toutes
ces années de compagnonnage luxembourgeois. Il m’est d'ailleurs facile de faire appel à
quelques posts écrits depuis 2006 où je me suis résolu en effet à écrire
régulièrement sur le net.
Au fond, c’est en
effet à pieds ou en vélo que je me suis senti comme un touriste heureux : sur
les plateaux où autrefois passait le petit train nommé familièrement le Charly, plongé dans la verdure le long
de la Sûre, dans les vignobles de la Moselle, dans la région
des sept châteaux, sur les sentiers culturels de la capitale le jour de l’Emaischen,
le lundi de Pâques, ou encore à Wiltz
du côté de Michel Rodange et de son
Roman de Renard luxembourgeois, mais aussi dans les rues de Dudelange quand je venais visiter les
expositions toujours stimulantes du Centre de documentation sur les migrations
humaines ou essayer à Esch-sur-Alzette
de découvrir le patrimoine industriel, les Terres Rouges et le légendaire des
Italiens.
Procession dansante
Alors le Luxembourg,
pays protégé, pays vert, pays rural ? Certes ! «Aujourd'hui dans son paysage splendide que viendra visiter toute
l'Europe, Vianden se compose de deux choses également consolantes et
magnifiques, l'une sinistre, une ruine, l'autre riante, un peuple.» a écrit
Victor Hugo, exilé un moment loin de la France. Que peut-on dire de plus ? Qu'il ne faut plus traverser le Luxembourg seuilement pour y acheter de l'essence.
Vignobles de la Moselle
In the Guardian Travel, a fresh vision of the Grand-Duchy: The tiny independent sovereign state is quietly attempting to join the list of European short-break destinations. And why not? It has more Michelin stars per head than any other European country, and the high proportion of foreign residents and visitors ensures a cosmopolitan atmosphere. http://www.guardian.co.uk/travel/2012/apr/06/luxembourg-bar-restaurants-party-city?CMP=twt_fd
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