L’OCDE
Ce n’est pas simplement dans le but d’être le plus
complet possible que j’ai voulu faire un détour par l’OCDE, l'Organisation de
Coopération et de Développement Économiques. L’OCDE est née en 1960 lorsque 18
pays européens, les États-Unis et le Canada ont uni leurs forces pour fonder
une organisation vouée au développement mondial. Aujourd’hui, elle compte 34
pays membres à travers le monde, de l’Amérique du Nord et du Sud à l’Europe, en
passant par la région Asie-Pacifique. J’ai participé à quelques réunions de cette
organisation et j’ai longtemps reçu les documents publiés pour ce qui concerne
le tourisme. Sa mission est « de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique
et social partout dans le monde. »
Dans ce but elle offre aux
gouvernements un forum où ils peuvent conjuguer leurs efforts, partager leurs
expériences et chercher des solutions à des problèmes communs. Dans ce cadre,
la publication de statistiques et d’analyses des politiques et des stratégies nationales
sont par conséquent à l’origine de références extrêmement utiles.
Le tourisme
constituant – en tout cas depuis la date de création de cette organisation – un
des moteurs du changement économique, social et environnemental, caractérisé
par une activité qui intervient de manière notable dans les flux mondiaux
d’échanges et d’investissement, il est normal qu’elle se soit donnée des
compétences en matière de tourisme. La dernière note d’orientation du
Secrétaire Général de l’Institution (23-24 mai 2012) s’inscrit dans une
longueur d’onde qui ne surprendra aucun lecteur. « Il faudra notamment faire avancer les négociations sur le changement climatique
et mettre en application les engagements souscrits dans ce domaine, et
également élargir la coopération internationale en matière d’aide pour le
commerce, d’échanges de services, de lutte contre le protectionnisme et de
renforcement du système commercial multilatéral, compte tenu de l’impasse dans laquelle
se trouvent les négociations à l’OMC. » écrit Angel Gurria qui ajoute vouloir apporter un soutien aux pays en
approfondissant et en renforçant les «…travaux
consacrés aux nouvelles sources de croissance, comme la croissance verte, les
actifs fondés sur le savoir, les compétences, l’égalité homme-femme et les
migrations. »
Analyses
et évolutions
L’OCDE a publié depuis 2003 un ensemble d’ouvrages généraux et de communications de colloques dans une optique liée aux rapports réguliers : « Le tourisme dans les pays de l’OCDE : Tendances et Politiques » dont la version 2010 est en ligne. On peut citer : « Innovation and Growth in Tourism » (2003), « Culture and tourism, a growing importance » (2008), Tourism Trends & Policies (2010), « OECD Studies on Tourism - Italy: Review of Issues and Policies » (2011) et « Climate Change and Tourism Policy in OECD Countries » (2011).
Les données fournies sont à la fois diverses et souvent très détaillées. Il est par conséquent difficile de les résumer. C’est cependant le concept de crise qui est le plus fortement argumenté et mis en valeur par des données chiffrées. Les raisons de cette crise, au-delà des excès de la financiarisation mondiale sans freins que l’on connaît, passent par des constats d’évidence :
L’image du tourisme s’est ainsi transformée sous au moins trois aspects précisent les rapports : sur le plan de l’offre, la concurrence entre les destinations s’est exacerbée, sur le plan de la demande, de nouvelles clientèles internationales sont apparues et sur le plan de la demande également, les déplacements sont devenus plus nombreux mais plus courts.
Le tourisme interne, c’est-à-dire le tourisme des résidents à l’intérieur de leur propre pays de résidence, pèse beaucoup plus lourd que le tourisme récepteur.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le tourisme international concernait principalement l’Europe et l’Amérique du Nord. Depuis les années 1970, l’Asie-Pacifique, l’Afrique et le Moyen-Orient ont pris une part significative dans le tourisme mondial. Toutefois, l’Europe continue de peser pour plus de la moitié à la fois en termes d’arrivées de touristes internationaux et de recettes.
En Europe, au cours des deux dernières décennies, le développement du tourisme a été relativement modeste pour les pays d’Europe occidentale qui continuent cependant de recevoir les effectifs de touristes les plus nombreux. La croissance a été particulièrement dynamique pour les pays d’Europe centrale et orientale ; elle est restée assez forte pour les pays d’Europe du Sud et du pourtour méditerranéen ainsi que pour les pays d’Europe du Nord.
En Europe centrale et orientale, la forte croissance du tourisme récepteur s’est amorcée au début des années 90 après la chute du mur de Berlin. Une croissance assez forte a perduré dans les années 2000, notamment en République tchèque et en République slovaque. En Estonie, la croissance du tourisme récepteur a été rapide au cours des années 90, et est restée soutenue dans les années 2000. En Russie, le nombre d’arrivées de visiteurs a augmenté à un rythme modéré au cours des années 2000.
L’Europe du Sud et méditerranéenne a de tout temps été une zone de fort tourisme récepteur. Les pays de l’OCDE y occupent une part prépondérante avec environ 85 % des arrivées. Mais ils sont soumis à une forte concurrence de la part des pays d’Afrique du Nord ou encore de destinations comme la Croatie ou la Slovénie. En Slovénie, la croissance du tourisme récepteur a ainsi été très rapide au cours des années 90 et depuis l’an 2000. Malgré cette concurrence, les destinations traditionnellement les plus visitées comme l’Espagne et l’Italie maintiennent leur position avec des taux de croissance de l’ordre de 3 % par an, voire un peu plus pour l’Espagne. La Turquie et la Grèce maintiennent des taux de croissance supérieurs à la moyenne de la zone.
S’agissant des recettes du tourisme international, on retrouve les mêmes pays mais classés un peu différemment. L’Allemagne, par exemple, arrive au sixième rang tandis que l’Espagne accède au deuxième rang. De même, l’Autriche a gagné de nombreuses places. La Turquie et la Grèce rentrent dans le classement des vingt-cinq pays qui enregistrent le plus de recettes. Les cinq premières places sont occupées par des pays de l’OCDE : États-Unis, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni : à eux cinq, ils représentent près de 50 % des recettes des vingt-cinq. (La crise grecque et certains troubles récents aux frontières de la Turquie, de même que l’extension de certains « comportements » révolutionnaires ou contestataires en Méditerranée viendront certainement nuancer ce constat pour ce qui concerne 2011 et 2012.
La France est le seul pays où la durée moyenne du séjour touristique dépasse nettement trois jours. D’une manière générale, la durée de séjour diminue depuis 2003 tant pour les résidents que pour les non-résidents.
En termes d’utilisation d’Internet par les voyageurs, on a observé que plus de 25 % des personnes interrogées en Norvège, en Islande, en Finlande, au Danemark et en Suède, mais aussi au Canada, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ont réservé leurs billets ou leur hébergement par voie électronique.
Bonnes
pratiques
Le chapitre 4 détaille les profils par pays, à la
fois sur le plan de l’organisation des politiques du tourisme, que sur celui
des statistiques de fréquentation et des données économiques. Nous n’avons
extrait que certains faits qui nous semblaient les plus saillants par leurs
spécificités ou pour l’esprit d’innovation. Nous reviendrons plus tard sur les
mesures d’incitation économique qui sont nombreuses et visent la
rationalisation, comme une meilleure connaissance des impacts: Autriche : Afin de promouvoir l’excellence dans l’industrie touristique, ce pays a créé en 1999 le prix national du tourisme, qui est décerné tous les deux ans par le ministère aux acteurs innovants du secteur. Le prix porte à chaque fois sur un thème particulier (les jardins d’Autriche, par exemple, en 2007). En 2009, il récompensait l’efficacité énergétique. En 2008, le prix national de l’architecture est allé à des réalisations touristiques. Le ministère fait prévaloir la recherche, la constitution de réseaux et l’innovation dans l’industrie touristique, et rassemble les acteurs concernés pour favoriser l’approfondissement ou le partage de connaissances sur certains aspects et soutenir la mise au point de produits nouveaux. Entre autres initiatives, notamment dans le domaine du tourisme culturel, il faut citer la création des réseaux « Imperial Austria – Residences » et « Creative Austria ». S’ajoutent des travaux engagés dans des domaines comme les parcs nationaux et naturels, ou dans le cadre de la plateforme de coordination entre les Länder et l'administration nationale évoquée précédemment.
Belgique : La Flandre a participé au projet européen STREAM qui vise à promouvoir des moyens de transport individuels économes en énergie pour les loisirs et le tourisme. Grâce au soutien apporté dans le cadre du projet STREAM, 16 destinations flamandes ont pu prendre des initiatives en faveur d’une mobilité durable et sensibiliser la population à cet impératif pour ses déplacements à des fins récréatives. Toerisme Vlaanderen élabore actuellement des orientations à l’intention des destinations touristiques pour leur permettre d’établir leur propre plan de mobilité durable, à partir des enseignements tirés du projet STREAM.
Musée gallo-romain à Tongres, Belgique.
Espagne : En 2009 (de septembre à décembre), 800 formations ont été organisées dans 40 destinations à travers l’Espagne, attirant plus de 12 000 personnes. Vingt-six manuels de bonnes pratiques sur l’attention accordée à la clientèle ont été rédigés. Les professionnels du secteur seront ainsi en mesure d’évaluer leurs propres performances en ce qui concerne l’attention accordée au détail. Le projet a son propre site Web où les utilisateurs peuvent trouver les détails du programme et de la documentation à télécharger et échanger des avis sur le projet. Toujours dans le cadre du projet Anfitriones, le programme Destino en Detalle (Attention au détail dans les destinations) améliorera la qualité des destinations telle qu’elle est perçue par les clients. À cette fin, un ensemble de mesures a été élaboré pour encourager l’adoption de bonnes pratiques en termes d’amélioration des destinations de manière à faire ressortir leurs particularités et leur singularité. À partir d’un portail personnalisé, les responsables locaux peuvent évaluer leurs propres performances pour les améliorer.
Jardins de l'Alhambra. Grenade, Espagne.
Hongrie : La promotion du patrimoine touristique est une priorité nationale dans le cadre de la Stratégie nationale de développement du tourisme. Pour promouvoir la gastronomie et les vins hongrois, l’Office national hongrois du tourisme organise chaque année le « jeudi des gourmands », les restaurants offrant à cette occasion une réduction de 50 % sur les plats figurant sur leurs cartes. Le « jeudi des gourmands » suit le mercredi des cendres, qui marque le début du Carême avant Pâques. Il évoque les traditions du folklore chrétien et hongrois, lorsque l’on pouvait se laisser aller à la gourmandise avant le début du Carême.
Château Esterhazy. Hongrie et ci-dessous, sur la Route de Saint-Paul. Turquie.
Turquie :
Le ministère de la Culture et du Tourisme a mené à bien de nombreux projets ces
dernières années. Parmi eux, ceux qui portent sur la création et la mise en
place d’itinéraires touristiques sont particulièrement importants. Des itinéraires tels que la Voie lycienne, le Chemin de Saint-Paul et la Route de
la soie rassemblent de nombreuses destinations touristiques différentes dans un
seul itinéraire. Ils ont été conçus avec des objectifs ambitieux, par exemple
la volonté d’ouvrir et de mettre en valeur des cités culturelles ayant une
importance majeure dans le pays. Ces itinéraires permettent aux touristes
voyageant individuellement ou en groupes de découvrir la Turquie historique et culturelle,
en s’appropriant le patrimoine culturel de multiples époques et périodes
différentes du passé du pays. Un programme conjoint, intitulé « Alliances pour
le tourisme culturel dans la province de Kars », axé du point de vue
géographique sur la région d’Anatolie orientale, à la frontière avec la Géorgie
et l’Arménie, a été lancé en novembre 2008 et prendra fin en décembre 2010.
Ce
programme fédère les compétences respectives de quatre organismes des Nations
Unies (PNUD, UNESCO, OMT, UNICEF) en coordination avec le ministère de la
Culture et du Tourisme. Il s’inspire du Neuvième Plan de développement
(2007-2013), du Plan d’action stratégique pour le tourisme (2007-2013) et de la
Stratégie du tourisme à l’horizon 2023. Il mobilise les valeurs culturelles en
en faisant des atouts pour la promotion touristique. Ce programme pourrait être
considéré comme un modèle de gouvernance participative du point de vue de son
orientation stratégique, de la hiérarchisation des priorités et de la
coordination entre la protection du patrimoine culturel et les prestations de
tourisme culturel. Le projet se déroule dans l’une des régions les moins
développées de Turquie.