samedi 20 novembre 2021

Forbach au cœur (1) : Patrimoine industriel et humain

 


Cliché ERIH

C’est à l’occasion de la diffusion sur Arte du film de Claire Burger « C'est ça l'amour », réalisatrice du court métrage « Forbach » et coréalisatrice de « Party Girl », que je me suis souvenu de la projection en avant-première à Strasbourg en avril 2017 du documentaire « Retour à Forbach » en présence du cinéaste documentariste Régis Sauder et des producteurs.

Par intérêt intellectuel et quasiment professionnel, j’avais immédiatement écrit une note sur facebook, d’autant plus que j’ai été sollicité à plusieurs reprises entre 2014 et 2015 par la Représentante de la Commission européenne auprès du Conseil de l’Europe, pour l’aider à envisager la proposition d’un itinéraire culturel touchant au patrimoine industriel.

A la suite de l’exploration des Routes de la Soie en Europe que j’avais conduite à la demande du Conseil, de 1986 à 1992, j’étais resté persuadé que si la conservation des patrimoines bâtis et des patrimoines techniques constituaient des priorités, ce dont l’UNESCO, l’ICOMOS, le TICCIH ou l’ERIH s’étaient chargés, aussi bien par la labellisation que par l’assistance technique et la mise en réseau, le patrimoine humain et social, dans leur liaison au statut du travail dans les sociétés modernes, auraient dû constituer des champs d’exploration prioritaires pour le Conseil de l’Europe.

Il n’en n’a pas vraiment été ainsi. 

Un rapprochement entre des initiatives proches aurait certainement été plus constructif pour la cohérence du programme !


Route du Fer dans les Pyrénées

C’est à l’heure actuelle l’ERIH et son réseau de trois cents sites qui conduit la Route européenne du Patrimoine industriel, tandis que la Route du Fer dansles Pyrénées continue fort heureusement de témoigner de la réussite des différentes missions que j’ai eu le plaisir de conduire dans le milieu des années 2000 pour la reconnaissance des destinées de ce minerai antique, devenu avec le charbon, un élément clef de l’époque industrielle. 

Il a généré des chefs d’œuvre artistiques et architecturaux, reliant les grands empires de l’antiquité, Etrusques et Romains, au capitalisme moderne et à la fortune des entrepreneurs, comme l'illustrent les magnifiques immeubles de Barcelone.

J’ai par ailleurs regretté que la même démarche entreprise depuis l’Autriche pour une Route du fer en Europe centrale n’ait pu se maintenir, tant elle était prometteuse. Mais les ingénieurs retraités qui en avaient pris l’initiative n’ont pas été relayés par des plus jeunes. 

Tout un symbole !


Route du Fer en Europe centrale - Leoben. Cliché MTP

Grâce aux Pyrénées, les « Hommes de Fer » restent toujours présents dans la mémoire des chemins de l’Andorre et constituent toujours une initiative exemplaire.    

Mais revenons au film de Régis Sauder !



Je retrouve ainsi mon émotion première.

« Un film salutaire, un film très personnel, mais dont le travail de mémoire est universel. Un film qu'il faut absolument voir pour mieux s'approcher de la complexité d'une des situations sociales françaises qui explique pourquoi le Front National occupe des places fortes de plus en plus nombreuses et de plus en plus stables.

Un film tourné entre mars 2014, lorsque Florian Philippot a été élu conseiller municipal d'opposition et 2016 où la maison familiale du cinéaste a été vendue à une famille d'origine marocaine et que les pièces se sont vidées d'objets familiaux et familiers, pourtant dérisoires, mais qui constituaient toute la richesse de l'enfance disparue.

Quand le mot honte (prononcé hante par les Lorrains) est passé de génération en génération sous des formes successives qui relient l'Histoire à l'actualité.


Honte de ceux qui ont été enrôlés de force dans l'armée allemande, dans ce pays où Sarrebrücken, ville distante de quelques kilomètres, offre aujourd'hui des emplois et où la frontière apaisée, pendant cinquante ans, s'est de nouveau établie en état de siège comme un filtre contrôlant les migrants.

Honte de ceux qui ont perdu leur travail, à la fermeture des mines, après avoir perdu leur santé et qui partagent pourtant des « beaux souvenirs » avec leurs voisins, dans leurs maisons lézardées, face à des boutiques fermées.

Honte de ceux dont le revenu est égal à Zéro. 

Honte de ceux qui ont déserté l'église et regardent cependant avec peur et jalousie la mosquée réunir ses fidèles de plus en plus nombreux, cinq fois par jour.

Hontes indicibles et cependant avouées, dans l'amitié des anciens copains d'école et fixées avec tendresse par la caméra qui filme un état des lieux et des visages qui parlent parfois plus que le récit.



Fierté de ceux qui y conservent une part essentielle de leur identité, de ceux qui y assurent, par l'école, le dialogue entre les communautés, de ceux qui créent des ponts par l'enseignement de la langue, par l'accueil des derniers émigrés arrivés : les Syriens...

Espoir du foot qui seul, rassemble dans la fête, même si les drapeaux semblent timidement cohabiter d'une fenêtre à une autre.

On aura compris qu'il faut voir ce film et le recommander de toute urgence, avant les élections - il sort en salle le 18 avril. Il ne résout pas les problèmes, mais nous aide à les poser, sans doute là où ils sont les plus symboliques d'un complet désert politique, à l'exception d'un seul parti qui constitue le vrai danger. »



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