L’Union
européenne
Le cas de l’Union européenne (27 pays membres. 500
millions d’habitants) est exemplaire en ceci que, ni lors de la première étape de
la création d’une Haute Autorité (1951 CECA), ni lors de la seconde aboutissant
à la signature des Traités de Rome (1957-1958) il n’est indiqué de compétence directe
en matière de tourisme. Au tout début, comme l’écrit si malicieusement Luuk van
Middelaar « La France cherche dans
l’Europe une réincarnation d’elle-même. A travers l’Europe, l’Allemagne cherche
(cherchait) pour sa part la rédemption de ses fautes. Quant à la Grande
Bretagne, elle cherche « une chaise à la table » dès qu’on en instaure
une. »
Un peu d'histoire, de l'Europe et des congés
L’idée de Fédération européenne, dont on reparle
tous les jours sous la pression d’une crise économique qui rend nécessaire la
création d’une autorité forte sous forme d’une Union bancaire qui puisse
renforcer l’Union monétaire, est caractérisée à sa naissance par une prise en
compte d’urgences politiques devant conduire, par la pratique, à une Paix
éternelle. Il s’agissait aussi bien sûr que certaines des productions industrielles,
essentielles à assurer une autonomie de ce nouveau club fédéral vis-à-vis du
monde, fassent l’objet d’une politique concertée.
Le 9 mai 1950 Robert Schuman
rend public un texte
qu’il a modifié au dernier moment pour l’élargir au-delà d’une simple
collaboration transfrontalière et qui a la prudence de commencer par le
mariage d’un couple en cours de réconciliation et de mettre en avant deux
industries clefs, pour n’en venir qu’ensuite aux valeurs fondamentales: «
Le gouvernement français propose de placer
l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une
Haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des
autres pays d’Europe… Cette proposition réalisera les premières assises
concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix. ».
Le tourisme, c’est d’un côté l’affaire d’une élite qui,
depuis des siècles n’a pas eu besoin de prescription politique ou sociale pour
se déplacer et de l’autre, l’affaire des congés payés, quand ils ont été
institués, ce qui n'est pas toujours le cas. En France, les congés payés sont un droit acquis par les
travailleurs depuis le 7 juin 1936 (le 8 juillet de la même année en Belgique),
mais entre 1900 et 1930, les congés payés sont instaurés dans d’autres pays
européens : l’Allemagne, la Norvège ou la Pologne. On imagine bien que les
régimes politiques si contrastés de l’après-guerre et surtout les partages
entre d'une part les démocraties, les régimes communistes et les régimes
fascistes, d’autre part, ne permettent pas de faire de véritables comparaisons.
Fin 2011 par contre, la comparaison est plus facile. Le chiffre atteint en
France est de 36 journées comptées en jours ouvrables et incluant les jours
fériés, comme au Royaume-Uni et en Suède. Il est légèrement supérieur en
Autriche, à Malte ou en Grèce et très inférieur en Allemagne, Irlande et
Roumanie (29). Le nombre le plus faible étant l’apanage des Pays-Bas (28). Le
nombre de trimestres de travail nécessaires pour obtenir une retraite à taux
plein est en constante discussion pour aller vers une augmentation inéluctable
dans tous les pays européens. Par contre, le nombre de journées de congés payés
ne semble pas devoir être revu à la baisse immédiatement car l’activité
économique qui est générée par l’utilisation de ces loisirs pour une activité
touristique est essentielle aux économies mondiales. La répartition de ces
congés dans l’année a par opposition considérablement évolué en passant
progressivement d’une structure mono-polaire (les vacances d’été) à une
structure bipolaire avec la « création » des vacances d’hiver, ou de
neige, puis au caractère multipolaire de congés principaux, d’été et d’hiver
relayés par de longs week-ends.
Le 25 mars 1957, au Capitole de Rome, sont signés
les traités portant sur une communauté de l’énergie nucléaire et sur une
communauté économique. L’arrière-plan géopolitique est d’abord celui de la
crise de Suez et de la situation inquiétante qui est née avec la répression de
Budapest, autrement dit, celle de la structuration, pour des années, d’un
partage du monde entre deux blocs qui s’équilibrent par la peur et qui règnent
en patrons sur leurs zones d’influence. Certains pays européens, un peu
contraints par les circonstances, finissent par renforcer le noyau fondateur de
l’Europe afin de lui conférer plus de résistance politique et économique et en
font une Communauté. Si l’énergie nucléaire civile fait son entrée, sans que
soit réglée la question de ses aspects militaires, la France introduit l’idée
de la politique agricole commune qui continue jusqu’aujourd’hui à occuper le
devant de la scène. On pourrait dire en première approche que la définition
d’une libre circulation des personnes (et ses limitations légales protectrices),
ainsi que la négociation sur l’extension à la semaine de quarante heures de la
France vers l’Allemagne sont les seules mesures qui touchent directement la
politique et la forme des loisirs, donc la nature du tourisme en Europe.
Par rapport aux acquis fondamentaux et aux droits
dérivés ainsi qu’au renforcement d’une Guerre froide qui pourrait à chaque
instant devenir chaude, cette remarque sur les loisirs peut sembler
anecdotique. Elle ne l’est certainement pas puisqu’on voit se définir une
nouvelle étape du temps partagé sur laquelle se greffent des réponses du marché.
Le Club Méditerranée, pour ne citer qu’un exemple s’est créé en 1950. Gilbert
Trigano l’a rejoint en 1954. En 1956, le Club Méditerranée ouvre son premier
village d'hiver à Leysin, en Suisse.
Il y a 20 ans, à quelques mois près, une cérémonie
organisée à Maastricht a marqué le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire
de la coopération européenne. Le 7 février 1992, les ministres des Finances et
des Affaires étrangères des douze États, alors membres de la Communauté
européenne, apposaient leur signature sous le traité sur l’Union européenne,
consacrant la mise en place à terme d’une monnaie européenne commune. Un
certain nombre de domaines vont enfin être pris en compte - de manière affirmée
et en tant que tels - dans le cadre d’une politique économique commune qui
touche les secteurs économiques qui nous intéressent ici : l’environnement, la
recherche et développement technologique, l’éducation et formation de qualité, la
culture, la protection des consommateurs. Des mesures sont prises pour les
domaines de l'énergie, de la protection civile, et du tourisme.
J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer en détails
l’étendue et la réalité des compétences de l’Union européenne en matière de
tourisme,
telle qu’elle a évoluée entre 1992 et 2009. En dehors d’une évolution
géopolitique majeure permettant l’ouverture des frontières (la Convention de
Schengen date de 1990), sans parler bien entendu de l’adhésion de nouveaux pays
et de l’adoption de nombreuses directives sur la circulation des citoyens et
les échanges économiques dans un marché unique en voie d’extension, un seul
article du Traité de Lisbonne soutient en fait la prise en compte d’une
politique du tourisme par l’Union européenne dans toute son étendue actuelle.
Selon l’article 195 du Traité, l’Union européenne peut en effet : «
Promouvoir la compétitivité des entreprises
de ce secteur et créer un environnement favorable à leur développement,
favoriser la coopération entre les États membres, notamment par l'échange de
bonnes pratiques et enfin développer une
approche intégrée du tourisme en assurant la prise en considération de ce
secteur dans ses autres politiques.»
Un
ensemble de mesures
Je ne crois pas utile, contrairement à la première
partie de cet article, de refaire un historique des mesures récentes que j’ai
déjà présentées dans le post cité ci-dessus. La «
Communication de la Commission» intitulée : «
L'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre
politique pour le tourisme européen» a en effet changé radicalement, mais
de manière indicative et incitative, l’idée même de la nature du tourisme qui
doit faire l’objet d’une aide et d’une promotion pour renforcer la Destination
Europe. «
L'Union européenne peut
contribuer à la diversification de l’offre en encourageant les flux
intra-européens grâce à la valorisation de produits touristiques thématiques à
l’échelle européenne. En effet, les synergies transnationales peuvent favoriser
une meilleure promotion et une visibilité touristique accrue. Elles peuvent
ainsi inclure l'ensemble du patrimoine dans toute sa diversité: patrimoine
culturel (y compris les itinéraires culturels), création culturelle
contemporaine, sites naturels protégés, tourisme de bien-être et de santé (y
compris tourisme thermal), tourisme d’éducation, tourisme oenogastronomique,
historique, sportif ou religieux, agritourisme, tourisme rural, ou encore le
tourisme valorisant le patrimoine maritime et culturel subaquatique ainsi que
le patrimoine industriel ou le tissu économique d’une région» est-il
indiqué.
C’est donc beaucoup plus un commentaire sur la
superposition des mesures qui sont proposées depuis deux ans, superposition de décisions et de cadres récents à
des décisions antérieures, que je souhaitais présenter cette fois. Cet ensemble,
encore en partie hétéroclite puisqu’il tient compte de l’histoire des formes du
tourisme et de l’évolution des acteurs du tourisme, constitue aujourd’hui la
politique prioritaire de la Commission Européenne en ce qui concerne « Le
tourisme et l’Europe ». Je ne reviendrai pas, par contre sur des
programmes que j’ai déjà commentés comme
EDEN ou sur les récentes notes de
tendance de la Commission (
Le tourisme en Europe, moteur économique).
Même si le tourisme est devenu une activité répandue
qui, grâce aux aménagements sociaux et aux encouragements divers touche tous
les âges et toutes les classes sociales, la Commission Européenne avait le
devoir, comme pour tous les secteurs dont elle s’occupe, de favoriser tous
les Européens et de faire disparaître les inégalités. Or si le nombre de
touristes dans le monde ne cesse de croître, au sein des pays développés, les
inégalités se sont creusées ces dernières années de manière terrible entre ceux
qui partent et ceux qui n’en n’ont pas les moyens, non seulement dans le monde,
mais aussi au sein même de l’Europe et on sent bien que le phénomène ne va
faire que s’amplifier. Atteindre les jeunes veut dire permettre l’accès du
tourisme à des Européens ne disposant que de budgets réduits, voire inexistants
si on en croit les statistiques en hausse constante du chômage chez les jeunes.
De plus, à l’autre extrémité de la pyramide des âges, la durée de vie moyenne
augmentant elle aussi régulièrement, le déplacement touristique se poursuit à
un âge où les seniors et les retraités
sont encore en forme, abondant par leur nombre des comportements touristiques
qui n’étaient autrefois que marginaux, comme la marche au long cours. Ils y
retrouvent d’ailleurs paradoxalement les plus jeunes, participant ainsi de
manière intergénérationnelle à une forme particulièrement passionnante de
l’économie sociale. Mais par contre, les années de vie où les personnes
vieillissante ont du mal à se déplacer dans des conditions normales, augmente
également, tandis qu’augmente parallèlement celui des personnes souffrant d’un
handicap permanent et pour lesquelles les aménagements d’accès constituent une
absolue nécessité.
C’est donc un secteur entier du marché touristique
qui nécessitait de bénéficier d’études et de mesures urgentes. Y pourvoir
constituait tout à la fois un devoir éthique, mais participait aussi à une
meilleure répartition des forces, des dépenses, comme des saisons touristiques.
Tourisme social
C’est en 2009, donc avant même que la « Communication »
soit adoptée, qu’une mesure préparatoire a été lancée sous le « nom de
code »
CALYPSO. Un budget de un million d’euro a été alloué en 2009 et
2010, de manière tout à fait comparable à ce qui vient de se passer pour les
itinéraires culturels et le tourisme culturel transfrontalier. Le budget a été
porté à 1.5 million euro en 2011, année qui constituait la fin de cette période
préparatoire. Le but du tourisme social est de permettre au plus grand nombre
de partir en vacances et, partant, d'accroître sensiblement la mobilité des
Européens quel que soit leur âge ou leur origine sociale. «
Cette forme de tourisme peut également
contribuer à lutter contre les déséquilibres saisonniers, renforcer la notion
de citoyenneté européenne et promouvoir le développement régional tout en
facilitant le développement de certaines branches des économies locales….Il permet
le développement du tourisme de basse saison, notamment dans les régions dans
lesquelles le tourisme est bien développé mais soumis à d'importants
déséquilibres saisonniers. Il permet également aux destinations peu connues, de
petite taille, ou émergentes de promouvoir leurs offres auprès d'un plus grand
nombre de citoyens européens », ajoute la Commission.
En 2009-2010, des études ont été menée sous le titre
«Échanges touristiques en Europe:
développer l'emploi, étendre la saisonnalité, renforcer la citoyenneté
européenne et faire progresser les économies locales et régionales à travers le
développement du tourisme social». Des réunions de sensibilisation, comme de
facilitation des échanges ont été préparées dans le but de déterminer les mécanismes
permettant de promouvoir les échanges touristiques à des prix attrayants entre
différents pays, en basse saison. Ces réunions ont été organisées dans
différents pays d'Europe (Pologne, Roumanie, Italie, France, Espagne et
Belgique).
En dehors du matériel de communication, des appels à
proposition ont eu lieu. Ils visaient à aider les autorités publiques chargées
du tourisme à permettre aux groupes cibles CALYPSO de participer à des échanges
transnationaux en basse saison dans un avenir proche. Ils cherchaient très
précisément :
-
à aider les autorités publiques à mettre
en place, développer et/ou renforcer les infrastructures CALYPSO dans leur
pays.
-
à permettre la mise en réseau des
autorités publiques et à accroître leur collaboration dans le but de promouvoir
les échanges en basse saison pour un ou plusieurs des quatre groupes cibles
CALYPSO.
-
à mener des études susceptibles
d'améliorer la situation dans les pays participants et de faciliter ainsi les
échanges en basse saison.
Une plateforme d’échange est en cours de préparation
sous l’acronyme STEEP « Social
Tourism European Exchanges Platform » pour continuer à accueillir tous
les échanges.
Tourisme
durable
Dans la lignée de ses précédentes communications sur
la politique en matière de tourisme, la Commission européenne a adopté en
octobre 2007 son Agenda pour un tourisme européen compétitif et durable. Il
était en grande partie fondé sur
les conclusions du groupe d’étude de ladurabilité touristique, composé d'experts provenant d'associations du secteur
des destinations et de la société civile, ainsi que sur les résultats d'une
consultation publique qui s'est tenue entre avril et juin 2007. Dans cet
agenda, la Commission européenne établissait le cadre pour la mise en œuvre des
politiques et actions européennes de soutien dans le domaine du tourisme et
dans tous les autres domaines ayant un impact sur le tourisme et sa viabilité.
Elle prévoyait pour ce faire une approche progressive. C’est grâce au travail
d’un groupe d’experts mis en place à la fin de 2004 le «
Tourism Sustainability Group »
(TSG) composé de vingt-deux membres venus de différents pays et de différents
horizons, un groupe élargi aux organisations officielles, ainsi qu’à l’OMT et
au Programme des Nations Unies pour l’Environnement que différentes priorités
ont été explorées. Elles concernaient le domaine des transports et celui
de l’accueil, celui de l’extension des mouvements touristiques hors des saisons
traditionnelles, mais aussi les économies d’eau et d’énergie et la question du
recyclage, la réduction des nuisances sonores, le respect des identités naturelles et culturelles des lieux visités,
l’encouragement des économies locales, y compris dans les domaines artisanaux
et la protection du patrimoine culturel et naturel.
Route de Don Quichotte. Castilla La Mancha, Espagne.
Des appels d’offres ont suivi ces réflexions là
aussi au titre de mesures préparatoires (2009-2011) et un certain nombre de
projets et de structures sont nés du corpus ainsi mis en place, ce dont
témoigne la naissance en 2007 du Réseau
NECSTOUR, réseau des régions d’Europe
pour le tourisme durable et compétitif, ou encore, parmi d’autres, le travail
de la
Cité Européenne de la Culture et du Tourisme Durable à Gréoux-les-Bains
en France sur des outils susceptibles de mesurer la durabilité des projets
touristiques et celui du projet
Odyssea sur la mise en place d’une politique de
durabilité pour la mise en tourisme nautique des Villes Ports en Méditerranée. C’est
ainsi que la Commission Européenne a apporté une aide très appuyée au tourisme
cyclable et en particulier à l’initiative sur l’itinéraire du Rideau de Fer (
Iron Curtain Trail). Une liste de
structures liées à cette question de la durabilité est donnée sur le site de
l’European Travel Commission.
A partir de 2011 les initiatives se confondent de
plus en plus avec celles qui concernent les itinéraires culturels et le
tourisme transfrontalier et donc en grande partie avec le nouveau cadre enfin
désigné du nom de tourisme culturel que je commenterai dans le chapitre suivant.
En dehors de la coopération avec le Conseil de l’Europe sur l’étude que nous
avons déjà évoquée à plusieurs reprises, plusieurs projets ont été retenus à la
suite de l’appel à projet de l’été 2011 (
a
call for proposals aiming at promoting transnational thematic tourism products
and enhancing sustainable tourism development). Il s’agit du projet
Per Viam (
The project is
about The Via Francigena and the other trans-national pilgrimage routes
certified by the Council of Europe as tools of sustainable cultural tourism
development and community participation to the enhancement of Europe’s cultural
and heritage diversity), de la
Routecyclable du Danube (
The project is
about connecting partners from Austria, Germany, Slovakia, Serbia and Bulgaria
in order to create a substantial basis for the development and recognition of
hiking tourism within the Danube area), des
Greenways4Tour (
Promoting and
increasing international awareness of European greenways as excellent
facilities for cyclists, walkers and people with disabilities and improving
sustainable tourism choices in Europe), des
Limes Tourism Connection (
The
project is about developing the frontiers of the Roman Empire as a
transnational initiative) et
Eurovelo.
Comme on peut le constater, les Routes cyclables et
pédestres sont bien là au rendez-vous. On attend avec grande impatience les
résultats de ces cinq derniers projets, résultats qui devraient être présentés
au printemps 2013 car une tendance marquée, celle de la montée du tourisme
alternatif doux et lent, reste une tendance tant que l’on ne possède pas
d’éléments de mesure d’impact. Il est heureux qu’un itinéraire ayant reçu la
mention du Conseil de l’Europe fasse partie des projets retenus, d’autant plus
qu’il s’agit là d’un modèle qui correspond au point de départ même de ce
programme qui fête cette année ses vingt-cinq ans, les itinéraires de
pèlerinage. Il doit, de ce fait, représenter tous les itinéraires reconnus par
le Conseil et fondés sur l’idée de l’itinérance douce. Les actions prévues,
telles qu’elles sont présentées dans le résumé du projet, s’inscrivent certes dans
une démarche de durabilité, mais surtout dans une démarche de visibilité et de
mise en réseau très large de systèmes comparables inscrits dans plusieurs
espaces géographiques. Elles apporteront certainement des éléments
complémentaires à la première analyse sur l’impact des itinéraires culturels
dont les méthodologies et les résultats méritent une approche critique
spécifique, car pour l’instant, les opérateurs disposent au travers de cette
étude d’une série de conseils, d’une série de critiques et d’une liste de démarches
à suivre, mais d’aucune idée précise sur les impacts réels, sinon qu’ils
pourraient être plus importants, sans que l’on sache bien comment et dans quels
secteurs. Il faut dire que les exemples choisis dans cette étude sont tellement
hétérogènes qu’il était de ce fait difficile d’en tirer des conclusions
générales. La modélisation multifonctionnelle des différentes catégories
d’objets culturels et patrimoniaux ayant reçu une mention sous le titre d’Itinéraire
culturel du Conseil de l’Europe reste encore à faire, ce qui rend le projet Per
Viam d’autant plus utile, compte tenu du resserrement de la typologie choisie.
Route de Saint Michel. Mont-Sain-Michel, France.
Tourisme
culturel
J’ai déjà indiqué à quel point le tourisme culturel
a fait partie des préoccupations de la Commission européenne
entre 1995 et 1996.
La Déclaration de Majorque issue d’un travail commun entre l’Unesco, la
Commission européenne et le Conseil de l’Europe ouvrait un grand champ
culturel, malheureusement trop vite refermé du côté de la Commission en raison
des oppositions de grands pays à une politique touristique commune en 1997 :
«
Depuis le Siècle des Lumières, la vie
culturelle en Europe a trouvé un moyen d'expression, en même temps qu'une
ressource inépuisable : les voyages. C'est l'Europe en effet qui, dans toutes
les phases pacifiques de son histoire, a développé les échanges culturels liés
à des déplacements : récits des écrivains-voyageurs, séjours d'artistes,
inspiration cherchée sous d'autres cieux, modes des visites culturelles
lointaines, comme ces fameux "tours en Europe" des enfants de 1'aristocratie anglaise qui ont
donné son nom au tourisme... À l'appui de ces pratiques, c'est toute une
logistique de l'accueil initialement gracieux puis de l'hospitalité marchande
qui s'est mise en place. L'Europe a inventé et mis au point le service
touristique au bénéfice d'un tourisme initialement consacré à la culture et à
la découverte de l'autre.»
Route de Don Quichotte. Castilla La Mancha, Espagne.
Aménagements près de Toléde.
Le Commissaire Tajani revient aujourd’hui sur des
chemins tracés il y a quelques années et on se doit de saluer la mise en place
d’une page entière du site de la Commission intitulée «
Tourismeculturel ». Le texte cadre proposé est moins lyrique que celui de 1996
mais propose un chiffre sur lequel on peut bien sûr s’interroger, sauf si on
conçoit le tourisme culturel par le seul fait de visiter au moins un
patrimoine au cours du voyage en Europe : «
L'Europe est une destination de premier choix pour le tourisme
culturel. Elle compte un grand nombre de sites majeurs et accueille un large
flux de visiteurs, venus d'Europe et d'ailleurs. On estime que le tourisme
culturel représente environ 40 % de l'ensemble du tourisme européen. De plus en
plus, les touristes sont à la recherche d'authenticité et de vraies rencontres
avec des cultures et des personnes différentes. Les politiques touristiques
vont devoir s'adapter à ces nouvelles tendances et développer une offre de
qualité, mettant en valeur les cultures et traditions locales et soucieuse de
préserver le patrimoine, les paysages et la culture locale. Les produits du
tourisme culturel transnational incarnent nos valeurs et notre patrimoine
européens communs. Ils contribuent à donner à l'Europe l'image d'une
destination touristique «unique». C'est pourquoi la Commission européenne met
en œuvre un certain nombre d'actions visant à promouvoir les produits
touristiques transnationaux qui présentent un fort potentiel de croissance. »
Il allait de soi, même s’il a fallu quinze années à
la Commission européenne pour y venir grâce à l’appui des pays membres, que les
itinéraires culturels européens constituaient l’offre correspondant très
exactement au besoin de cohérence de la destination Europe. Je ne voudrais pas
déformer les intentions de la Commission, c’est pourquoi je cite quasiment
intégralement le texte :
Les «itinéraires
culturels européens», qui traversent plusieurs régions ou pays, sont un bon
point de départ pour mettre en valeur la variété et la richesse de l'offre de
tourisme culturel en Europe. Ces itinéraires possèdent un potentiel touristique
important, encore largement inexploité. Ils sont à la fois transnationaux et
représentatifs de nos valeurs et de notre patrimoine communs. Ils sont
également perçus comme un modèle durable, éthique et social, car ils s'appuient
sur des connaissances, des compétences et un patrimoine locaux, et font souvent
connaître des destinations européennes moins visitées. En outre, 90 % de ces
itinéraires se trouvent en zone rurale. Une coopération active avec le Conseil
de l'Europe, la Commission européenne du tourisme, l'Organisation mondiale du
tourisme des Nations unies et d'autres partenaires internationaux contribue au
développement d'itinéraires touristiques thématiques dans toute l'Europe. À
l'heure actuelle, il existe 29 itinéraires (24 depuis la dernière réunion
du Comité compétent au sein du Conseil de l’Europe) transnationaux reliant des villes, des villages et des communautés
rurales sur tout le continent. À travers eux, l'Europe est perçue comme une
seule et même destination touristique. »
Ce n’est pas ici le lieu de discuter les chiffres de
fréquentation ou le nombre des itinéraires culturels et son évolution, ni le
travail réellement entrepris par les partenaires cités. En ce qui concerne
l’Organisation Mondiale du Tourisme et l’
Unesco, on peut se reporter à certains
des posts précédents qui décrivent le travail entrepris dans ce secteur et pour
ce qui concerne le Conseil de l’Europe, on devra attendre le post suivant. Il
est sans doute plus significatif de présenter les projets retenus par un second
appel d’offre lancé en 2011 sur des projets de tourisme culturel transnational
puisqu’ils sont indicatifs de bonnes pratiques ou de domaines appréciés a priori par la Commission comme des
solutions pour l’avenir.
Via Francigena. Cathédrale dee Fidenza, Italie.
Le projet
CERTO
(
Cultural European Routes: TOols for a
coordinated communication & marketing strategy) concerne la Via
Francigena, les itinéraires de Saint-Jacques de Compostelle et la Route de
Saint Olav. (
The
project aims at contributing to alleviate one of the problems and weaknesses
perceived at EU level and expressed in the Call: the lack of a common and
coordinated European communication and marketing strategy for cultural tourism
initiatives, meaning the lack of a true European "cultural tourism product".
The project intends to develop an integrated promotion & visibility
strategy shared by the 3 transnational routes recognized by the Council of
Europe.) Je
ne peux bien entendu que redire à ce propos mon attente impatiente des résultats
de ce travail compte tenu de la cohérence typologique que j’ai déjà soulignée
pour ce qui concerne les itinéraires de pèlerinage.
Pèlerinage de Saint Olav, Trondheim, Norvège.
Le projet
TECH-TOUR
(
Technology and tourism: augmented
reality for the promotion of the Roman and Byzantine itineraries) implique
essentiellement l’Adriatique.
Culturalroutes in the Middle and Lower Danube Region porte sur la Route des
empereurs et la Route du vin dans les régions danubiennes. Il réunit
essentiellement des ministères nationaux, la chambre d’économie de Croatie et
deux partenaires privés : HorwathHTL en Croatie et Mioritics en Roumanie.
WE.COME (
Hidden WondErs of our COMmonEuropean heritages) m’est apparu très peu compréhensible dans la présentation
qui en est donnée. Il suffit donc d’attendre la mise en place du site web prévu
pour en savoir plus.
Le projet
ODYSSEA CULTURE EURO-MED est décrit de cette manière :
The partners of
the project ODYSSEA CULTURES EURO-MED commit themselves developing strategic
co-operation projects to organize and promote in the values and the ethics of
the Council of Europe and UNESCO, the Maritime Cultural Route of the Ports
& Tourist Mediterranean Territories as “Stopovers Inheritances Headlights
of the Mediterranean”. A strategic project which confers a real international
visibility on a whole local and regional economy of maritime and coastal
tourism in the coordinated organization of a cluster: Heritage Tourism, Coastal
Tourism and Yachting, Culture, Agritourism, R&D, training and environment.
Crossroads
of Europe
Parmi les mesures mises en œuvre directement par la
Commission Européenne, l’idée d’un salon doublé d’un colloque (ou l’inverse)
organisé dans une ville où se croisent les itinéraires culturels a été mise en
avant comme une avancée importante en matière de visibilité et d’aide à la
complémentarité des itinéraires culturels. La Commission présente ainsi
l’initiative :
«Carrefours d'Europe»
vise à promouvoir les itinéraires culturels européens et à faire connaître leur
potentiel touristique aux parties prenantes, aux entreprises, aux voyagistes et
aux autorités locales et nationales. La 1re édition a eu lieu à Pavie, en
Italie, du 6 au 10 juin 2012. Comme Pavie est située au carrefour de cinq
itinéraires culturels qui étaient autrefois des routes de pèlerinage,
l'événement sera consacré au thème des pèlerinages, qui de tout temps ont réuni
des personnes venues de toute l'Europe autour de valeurs communes. »
Une carte Google présente un tracé très général des routes retenues et insiste
sur certaines étapes. Il s’agit de la
Via Francigena, de la Via Augustina,
de l’itinéraire de Saint Martin de Tours, du Réseau européen des sites
casadéens et des Sites clunisiens d’Europe.
Via Sancti Martini. Crossroads of Europe.
Le programme comprenait une partie d’exposition et de
stands organisée dans le Castelo Visconteo afin de favoriser les rencontres
entre opérateurs professionnels, plus qu’avec le public qui est resté purement
local et de présenter des expositions et manifestations culturelles
périphériques. Le cœur de la manifestation a consisté dans un ensemble de
présentations et de tables-rondes dont je souhaite présenter une relation
détaillée dans un post ultérieur.
Route des Villes Thermales Historiques. Crossroads of Europe.
Les touristes venant d’autres continents :
50.000 touristes
Si le vœu principal de la Commission est de
maintenir l’Europe à sa place de première destination mondiale, il faut non
seulement consolider et renforcer les offres innovatrices, analyser la
pertinence actuelle des offres traditionnelles et examiner comment les
différents pays émetteurs continuent à se situer par rapport au continent
européen. Pour ce faire, par exemple, la Commission travaille en
collaboration régulière avec les gouvernements européens, l'industrie du
tourisme et les compagnies aériennes pour développer le flux de touristes entre
l'Amérique latine et l'Union européenne, en utilisant les sièges vacants des
liaisons aériennes ainsi que la capacité de logement disponible en basse
saison. L'initiative pilote "
50.000 touristes" s'aligne sur un des
axes de la Communication sur le Tourisme 2010 qui appelle la Commission
européenne à combattre la saisonnalité, à stimuler la création d'emplois, à
renforcer l'image de l'Europe et à coopérer avec les pays tiers. « La
phase pilote du projet va encourager 25.000 Sud-Américains à voyager vers
l'Europe entre Octobre 2012 et Mars 2013, et 25.000 Européens à voyager vers
l'Amérique latine entre mai et octobre 2013. Les candidatures seront ouvertes
aux résidents de tous les pays de l'Union européenne, de l'Argentine, du Brésil
et du Chili ayant une motivation pour voyager basée sur des liens familiaux,
des liens culturels et éducatifs, ou un intérêt pour la gastronomie et le
tourisme religieux. L'initiative peut être élargie dans le futur à d'autres
pays, tant en Europe qu'à travers le monde, sur base de racines communes ou de
liens culturels, éducatifs et linguistiques.
Les partenaires actuels sont :
-
Les gouvernements français, espagnol,
lituanien, polonais, italien, argentin, brésilien et chilien.
-
Air
France, Alitalia, British Airways, Iberia, the Lufthansa Group, TAP Air Portugal
-
L'Association des Tours Opérateur
Européens (ETOA) et les Associations des Agents de Voyages et des Tours
Opérateurs Européens (ECTAA).
-
Le Portugal, la Roumanie, la Grèce et
Malte ont également annoncé leur intérêt de participer à cette expérience
pilote.
Par exemple, l'Espagne compte faciliter le voyage
des personnes résidant en Argentine, au Brésil ou au Chili, âgées de plus de 60
ans et possédant la double nationalité, ainsi que des Espagnols résidant en
Argentine, au Brésil ou au Chili, âgées de plus de 60 ans, et voyageant en
compagnie de leur conjoints et/ou enfants argentins, brésiliens ou chiliens. Iberia
travaillera à ce projet en collaboration avec le gouvernement espagnol. Les
passagers de Buenos Aires et Cordoba en Argentine, de Fortaleza, Recife et Sao
Paulo au Brésil et de Santiago du Chili auront la possibilité d'effectuer un
vol vers Madrid, vers 35 autres destinations espagnoles et 36 villes d'Europe. Corte
Inglés est la première compagnie à soutenir l'initiative "50.000
touristes".
Un grand nombre d’exemples sont fournis sur le site
de la Commission, exemples qui sont régulièrement mis à jour. Nous en avons
retenu deux qui s’appuient sur les relations culturelles et patrimoniales et
vont de ce fait au-delà des déclarations de principe et des « memorandums of understanding ».
Ainsi la France va promouvoir cette initiative dans le cadre de l'accord "Passion
européenne" et encouragera les voyages visant à découvrir les sites
spirituels et religieux français et mettant en exergue la gastronomie
française. Le projet de la Lituanie impliquera les émigrants lituaniens, les
membres de leurs familles, les étudiants se consacrant au tourisme, à
l'histoire, à la théologie, à la gastronomie, à l'architecture et/ou la
culture, les propriétaires ou employés de restaurants et membres de leurs
familles coopérant avec des partenaires lituaniens, toute personne âgée de plus
de 60 ans.
Labels
et observatoire
Il semble aller de soi que les mesures pratiques
ainsi lancées avec beaucoup de célérité ne peuvent trouver leur cohérence et
surtout la mesure de leur impact qu’à deux conditions : la mise en place
d’un label de qualité européen et d’un observatoire qui ne se contente pas de
juxtaposer des résultats nationaux – ce que l’OCDE pratique déjà avec pertinence
– mais cherche à suivre la manière dont les touristes pratiquent réellement un
tourisme européen, donc transfrontalier. «
À l'heure actuelle », précise la Commission, «
de nombreuses initiatives publiques et
privées sont prises afin de définir les principes et critères que doivent
appliquer les acteurs du secteur européen du tourisme pour garantir le
développement et la prestation de services touristiques de qualité au sein de
l'UE. Or, ces systèmes de qualité manquent souvent de cohérence et de coordination
car ils sont généralement axés sur des objectifs sectoriels ou territoriaux,
sans approche européenne intégrée. Cette fragmentation constitue un obstacle
potentiel à l'établissement de conditions égales pour offrir des services
touristiques de qualité à travers l'Europe, ce qui risque de porter préjudice à
la compétitivité du secteur européen du tourisme. »
C’est ainsi qu’une consultation restreinte a eu lieu
l’an passé auprès des professionnels et des pays membres à partir de 19
questions, sur l’idée d’un
label « parapluie » ou label cadre. La
présentation publique était organisée le 25 janvier dernier à Bruxelles. J’en
avais résumé l’atmosphère en ces termes : Les discussions qui ont eu lieu
de manière très ouverte en janvier 2012, en présence des délégués des pays
membres et des grandes organisations représentant les professionnels et les
consommateurs, ont été passionnantes car on pouvait y écouter de manière très
concrète combien les débats sur la subsidiarité en cette matière sont loin d’être
clos. Des labels de qualité existent bien entendu déjà, sans parler des normes
ISO et un énorme travail a été déjà réalisé en France ou en Italie. Mais la
question est bien de savoir à quoi peut servir une ombrelle quand le soleil ne
brille pas partout avec la même intensité.
Depuis, une
consultation publique a été ouverte avec
pour objectif de recueillir l'avis d'un large éventail de parties intéressées
des secteurs public et privé, ainsi que de citoyens, sur une éventuelle action
de l'UE dans ce domaine. Dans
l’introduction qui était proposée pour cette consultation, la visée
concurrentielle est très clairement exprimée : “
For Europe, it could function as a competitive instrument: at a
secondary level, it could contribute to improving the profile of Europe as a
set of high-quality destinations through emphasising the consistent quality of
its tourism product.” Il reste donc là aussi à attendre
les résultats du dépouillement.
Je ne veux pas revenir ici sur le « Label du
patrimoine européen » également cité dans la Communication, plus que je ne l’ai
fait dans le premier post de ce blog. D’abord parce que j’ai eu l’honneur et le
plaisir de participer depuis à la première réunion d’experts qui a travaillé
avec la Commission européenne pour finaliser le dossier de candidature et que
par conséquent je me dois à un devoir de réserve, mais surtout parce que
l’appel à candidatures ne sera lancé pour un premier « round » qu’en
2013 auprès des pays qui n’avaient pas encore bénéficié du label dans sa phase
expérimentale intergouvernementale.
J’insiste simplement sur le fait que ce programme
communautaire vise, avec des critères de citoyenneté européenne, à indiquer aux
touristes des sites, voire des espaces transfrontaliers hautement significatifs
de l’histoire de l’Europe. «
En plus de
renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union chez les citoyens européens et
de stimuler le dialogue interculturel, l’action pourrait aussi contribuer à
mettre en valeur le patrimoine culturel et à souligner son intérêt, à accroître
le rôle du patrimoine dans le développement économique et durable des régions,
en particulier à travers le tourisme culturel, à encourager les synergies entre
le patrimoine culturel, d’une part, et la création et la créativité
contemporaines, d’autre part, et, plus généralement, à promouvoir les valeurs
démocratiques et les droits de l’homme qui sous-tendent l’intégration
européenne» est-il précisé.
Un observatoire virtuel ?
C’est la partie du plan qui reste pour le moment la
plus complexe à mettre en œuvre. Les résultats d’une étude faisabilité restent
annoncés pour la fin de 2012. Trois grands secteurs sont déjà proposés :
-
Une base de données statistiques destine
à informer les décisionnaires dont les secteurs clefs sont en cours de test ;
-
La publication de rapports réguliers qui
seraient destinés à une veille sur les points qui nécessitent des décisions
rapides sur les changements structurels.
-
Une section destinée à comparer les
politiques d’observation des pays membres et de réunir les exemples de bonne
pratique. Une boîte à outils et un manuel seront préparés sur cette base.
Tourisme
côtier
La Commission européenne avait lancé une étude sur
le tourisme côtier, au même titre que sur le tourisme rural et le tourisme de
montagne à la fin des années 90. Cette question prend de nouveau une grande
actualité à la demande du Parlement européen et dans le cadre de la
DirectionGénérale affaires maritimes et pêche. Une consultation publique vient là aussi
de se terminer. Son extension à la
Méditerranée est devenue cruciale en
fonction de l’intensité des mouvements politiques et sociaux qui affectent
cette zone géopolitique liée à l’Europe. Il s’agit là clairement d’une priorité
politique mise en avant par le Parlement européen et pris en compte à la fois par
plusieurs Directions générales de la Commission Européenne.
Revenir
aux textes
J’ai toujours l’habitude de revenir aux textes. Les
dernières lignes de la
Communication sont les suivantes : «
La
politique européenne du tourisme a besoin d’un nouvel élan. Confrontée à des
défis qui demandent des réponses concrètes et des efforts d’adaptation, les
acteurs de l’industrie du tourisme européen doivent pouvoir joindre leurs
efforts et travailler dans un cadre politique consolidé qui prenne en
considération les nouvelles priorités de l’UE. Tenant compte des nouvelles
compétences de l’Union européenne en matière de tourisme, la présente communication
définit un cadre ambitieux pour faire du tourisme européen une industrie compétitive,
moderne, durable et responsable. »
Les deux première années qui suivent cette
publication ont ainsi vu se définir un cadre de travail dans lequel différentes
mouvances traditionnelles, celle des représentants économiques des grands
secteurs du tourisme, des lobbys syndicaux et de la société civile et les
experts qui se sont implantés à la Commission depuis le début des années 90 se
sont vu confrontés à une nouvelle génération d’experts pour lesquels la connaissance
des nouvelles technologies et la prise de conscience des menaces climatiques ont
totalement changé les points de vue et à un ensemble d’opérateurs – je pense
tout particulièrement à ceux qui ont en charge le tourisme transfrontalier et les
itinéraires culturels européens – pour qui les projets de coopération
culturelle ne peuvent comporter de volet touristique que si – et seulement si –
la dimension sociale et citoyenne est non seulement conservée, mais encore
plus, rendue exemplaire d’un changement de comportement vis-à-vis de la planète
et de ses habitants.
Non seulement ils ne se contenteront pas de vœux pieux,
mais, leur nombre allant croissant, ils demanderont une transformation radicale
de l’élan touristique de masse issus de l’après-guerre vers une exigence à ce
que les aides de la Commission européenne s’adressent aux initiatives qui ont
diffusé sur tous les territoires et ont enraciné un tourisme qui revient aux
origines des congés payés, quand le véritable élan était celui d’un partage des
richesses.
Je suis certain que le choc entre les deux mondes et
les deux attitudes ne fait que commencer. Une relecture de l'histoire du tourisme et
des trois vagues que j'ai évoquées, me semble plus que jamais nécessaire.
Elisée Reclus, promeneur littéraire, géographe et
poète, banni de France de 1872 à 1890 en raison de sa participation à la Commune
de Paris, a travaillé dans l’équipe de rédaction des Guides Joanne, ancêtres
des Guides Bleus de la maison Hachette dès le milieu du XIXe siècle. En 1859 il
écrit à sa mère : «
J’ai plus vécu pendant une heure d’admiration
devant les rochers et les neiges de la Jungfrau que pendant de longues semaines
à Paris ou à Sainte-Foy »
Joël Cornuault, le préfacier des deux petits
livres qui ont été republiés récemment « Histoire d’un montagne » et « Histoire
d’un ruisseau » écrit : «
la nature comme vrai temple…Ces mots que l’on connaît de Baudelaire, il faut leur
rendre tout leur poids lorsqu’on se tourne vers Reclus. Il appartenait de par
son milieu familial à une lignée de penseurs de culture réformée pour qui (de
Bernard Palissy à Théodore Monod, en passant par Rousseau et, aux Etats-Unis,
Emerson et Thoreau, Ruskin en Angleterre), le monde, création d’origine divine,
est le modèle que l’homme doit approcher, sinon imiter, dans ses œuvres…Il
aimait la marche, la nage, la vie animale, les arbres, les grands phénomènes cosmiques,
la science désintéressée, l’amitié et la camaraderie philosophique…Il détestait
et le faisait savoir dans ses écrits, articles ou pamphlets : l’injustice,
la propriété privée, la violence, toute forme de clergé, la volonté de
puissance et le saccage de la planète, lieu de beauté et de liberté, espace « non
asservi », il nous le redit au seuil de son Histoire d’une montagne. »
Ouvrages
cités :
Comme pour les posts précédents, une série d’hyperliens
permettent de consulter directement certains textes cités. On peut également se
reporter aux bibliographies indicatives des posts précédents.
Reclus
Elisée. Histoire d’un ruisseau. Infolio. Collection
Archigraphy Poche. 2010.
Reclus
Elisée. Histoire d’une montagne. Infolio. Collection
Archigraphy Poche. 2011.
Van
Middelaar Luuk. Le passage de l’Europe. Histoire d’un
commencement. NRF. Gallimard. 2012.
Point
de vue personnel :
L’été qui suit la création de la Communauté du
Charbon et de l’Acier, je visite la Côte d’Azur sur le porte-bagages d’un Solex
avec mes parents, heureux d’en revenir bronzé, d’après ce qu’on m’a dit. Ils se
sont rendus sur la Côte en train et ont emmené les Solex avec eux et ont trouvé
un petit logement chez l’habitant. Je passe les étés qui précèdent la signature
des Traités de Rome sur des plages bretonne en séjournant dans des hôtels très
familiaux. En1958, mes parents m’emmènent passer deux semaines de vacances dans
une pension de famille près d’Evian juste avant mon entrée au lycée. J’y
reviendrai régulièrement les années qui suivent, à l’issue de voyages en Europe.
Pour
ne pas être en reste avec ces deux premières étapes de mes souvenirs de
vacances, je me dois à la mémoire de mes parents de les remercier d’avoir su
s’appuyer sur l’augmentation régulière du temps de vacances, de 1958 à 1968
pour me faire parcourir l’Europe chaque été en train et en autocar – ils n’ont
jamais eu de voiture - et donc de me faire prendre conscience d’une histoire
vivante du continent et de la variété de son patrimoine, au moins pour sa
partie occidentale.
C’est l’année du Traité de Maastricht que j’ai rejoint le
Conseil de l’Europe pour commencer à participer au sein d’une Institution
européenne à la continuité d’un programme dont le volet touristique s’est
renforcé au cours du temps, programme auquel j’avais collaboré comme expert
depuis 1986. Je suis devenu aujourd’hui un touriste de la
catégorie des seniors actifs et je n’ai pas eu besoin de montrer la voie à mes
propres enfants. Ils ont pris tous seuls les chemins d’une connaissance
européenne d’Est et d’Ouest. La plus jeune a su utiliser les possibilités que
le programme Erasmus lui a offertes.