samedi 6 octobre 2012

Saisonnalité touristique : le jour d’avant et le jour d’après

Inutile d’insister sur le fait que l’un des cercles dans lesquels le tourisme est enfermé reste celui de la haute saison. Même si la situation évolue lentement en raison de l’augmentation du pourcentage des populations européennes qui peuvent choisir du fait de la retraite active la période la plus agréable pour partir en vacances, l’été et le plein hiver restent des musts. Un nouveau cercle, vertueux celui-là devrait être créé. Il est souhaité par toutes les instances mondiales qui traitent du tourisme, mais peine visiblement à voir le jour. Comme l’indiquait clairement Zelijko Trezner, représentant la plus importante association des professionnels « The European Travel Agent’s and Tour Operators Associations » ECTAA lors de la première session de la Journée Européenne du Tourisme : « …la profitabilité commence quand on peut augmenter la saison d’une journée avant et d’une journée après. »


Itinéraire de Saint Martin en bord de Loire (Photo CCE Saint Martin de Tours)
Cette constatation a été en quelque sorte déclinée tour à tour, comme une variation mélodique, par le représentant du thermalisme médical, celui de la Fédération Europarc, la Présidente du Réseau NECSTOUR, ou encore les responsables de projets qui ont reçu un appui de la Commission européenne dans le cadre du programme CALYPSO (Projet EST European Senior Travel et projet FETE First European Travel Experience). Une expérience de terrain a été également bien illustrée, celle des Highlands d’Ecosse.
On peut trouver tous les powerpoints de ces interventions sur le site de la Commission européenne.

Saisonnalité : des évidences oubliées ?

Ceci dit, un certain nombre de constats ont été dressés depuis déjà de nombreuses années et sont devenus des évidences.  Celles-ci sont pratiquement toutes liées à un retour à certaines initiatives alternatives nées à la fin des années soixante, lors du premier refus des politiques globales par les baby-boomers. Elles prenaient en partie leur source dans l’esprit de découverte par le voyage qui existait dans les classes aristocratiques à la naissance du tourisme et qui ont été trop longtemps mimées ou caricaturées par la standardisation des offres de visite des lieux emblématiques du Grand Tour ou de la transformation des grands sites en icônes universelles.

Pour reprendre une remarque de Rachid Amirou : « Démocratie et démocratisation culturelles ne vont pas de pair, leurs relations sont bien plus complexes et subtiles. » Ce qui veut dire que parallèlement à « une implosion de la notion de culture », pour reprendre une expression du même auteur, on a assisté à une implosion de la notion même de tourisme et que l’on commence seulement à tenter de rassembler de manière sensible et intelligente les éléments disloqués lors de cette implosion, segments qui ont été trop longtemps vendus séparément, grâce à un marketing agressif, comme s’il s’agissait d’un tout, prêt-à-consommer hors de leur contexte. Cela se nommait : le centre-ville séparé de son territoire, le monument séparé de son époque historique et la route parcourue sans la connaissance du paysage. 

Les jeunes du Centre de Culture Européenne sur les Chdemins de Saint Jacques

Je ne citerai que quelques-unes de ces évidences qui ont été présentées souvent naïvement, un peu comme des découvertes de dernière heure, par des opérateurs qui ont été certainement habitués trop longtemps à l’évidence d’un marché touristique dont ils pensaient qu’il allait croître indéfiniment dans un monde où l’énergie semblait inépuisable, où le temps des loisirs semblait indéfiniment extensible et où la richesse individuelle devait atteindre toutes les catégories de populations et surtout, depuis 1989, dans un monde réconcilié qui connaissait enfin la fin de l’histoire et des totalitarismes.
Malheureusement c’est plutôt le chômage et la pauvreté qui constituent depuis plus de trois ans un fait de société dominant. La « société des loisirs » est devenue aujourd’hui une « société de la crise » où l’activité économique doit être inventée sur de nouvelles bases. De ce fait, l’offre touristique doit évoluer et s’adapter constamment en raison d’une demande qui change lentement mais inéluctablement de nature en revisitant le passé avec l’aide de nouveaux outils de découverte utilisant les nouvelles technologies. Les prises de conscience communautaires de différents types : la création de nouvelles solidarités, la nécessité du partage des valeurs fondamentales, des connaissances et des ressources, la prise de conscience de la nature anthropologique de l’hospitalité, la conscience écologique diffuse mise en pratique à l’échelle locale, pour n’en citer que quelques-unes aboutissent lentement mais sûrement à de nouveaux paradigmes économiques dont les responsables des activités touristiques ne prennent que trop lentement conscience.
Nouvelles solidarités. Campagne Toscani pour Benetton

Ai-je besoin de redire enfin que le programme des itinéraires culturels du Conseil de l’Europe dont il n’a été question que de manière marginale cette année au travers du seul exemple de la logique durable développée par le programme Odyssea, offre depuis l’origine, c’est-à-dire depuis le milieu des années quatre-vingt,  des modèles alternatifs adaptés à toutes les grandes interrogations géopolitiques et anthropologiques des trente dernières années. Sur cette utopie réaliste se sont greffées de nombreuses initiatives qui répondent de manière diversifiée, créative, adaptative et dynamique aux intentions des créateurs de ce programme. Pour beaucoup d’entre elles, elles répondent même très directement à la question de la trop forte saisonnalité du voyage et auraient certainement dû être invitées à présenter leurs démarches. Car la réponse n’est pas seulement - et de loin – purement touristique. Elle est éthique et doit mettre en œuvre « une nouvelle conception de la rencontre et de l’itinérance tout au long de la vie », un peu comme on parle d’une « formation tout au long de la vie ». 

Exposition du XXe anniversaire des Itinéraires culturels. Saint-Jacques de Compostelle
Dans ce cadre évolutif, je suis de plus en plus persuadé que le secteur touristique n’échappe encore en partie à la « crise » que du fait des situations économiques et sociales très différentes selon les continents. Les pays dits émergents, dont certains constituent des réservoirs extraordinaires de « touristes de masse » potentiels, ne sont entrés que depuis très peu de temps dans la phase des loisirs organisés et standardisés que nous avons connue en Europe et aux Etats-Unis il y a quarante ans. Cette aspiration légitime au « voyage dépaysant » vers l’Europe, des Chinois, des Indiens, des Brésiliens, en particulier, va donc servir de tampon pendant encore une petite dizaine d’années pour que les grands opérateurs survivent en consolidant des pratiques de concentration du capital, des moyens et des services qu’ils ont mises au point et éprouvées pendant des dizaines d’années. Les nouvelles pratiques du « low cost » adoptées par les jeunes, puis progressivement par toutes les générations et même les secteurs d’activité les plus divers qui devaient réduire leurs dépenses et serrer leurs marges, constitue également un autre tampon qui a dans un premier temps aidé la démocratisation du voyage, avant d’apporter une marge profitable aux compagnies traditionnelles qui s’en sont emparées. Elles sont donc elles-mêmes également en train de trouver leurs limites.

Mireille Perano, Réseau NECSTOUR
La pratique des réservations directes, des voyages à la carte, des informations par le « bouche à oreille » circulant sur les réseaux sociaux font toutes inéluctablement chuter l’activité des intermédiaires tels les agents de voyages réfugiés dans le sur mesure haut de gamme. Par contamination, elles vont atteindre tous les grands empires qui se sont construits dans ce que l’on nomme encore l’industrie touristique. Alors ?

Saisonnalité : répondre à la demande des tribus

Prenons l’exemple tout à fait éclairant des opérateurs touristiques. La Fédération ECTAA que je citais au début de cet article compte aujourd’hui 31 associations affiliées dans 29 pays européens qui représentent 77.000 entreprises et 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Impressionnant ! Mais quelle est la réponse de ce secteur professionnel clef à la question posée de la saisonnalité ? Je paraphrase : « Nous sommes les meilleurs garants du contrôle de la demande du consommateur, nous pouvons l’orienter et agir pour diversifier les clientèles car nous ne sommes pas seulement des intermédiaires dans une filière professionnelle comme il en existe dans d’autres secteurs industriels, mais nous sommes des interfaces entre les fournisseurs et les différents segments du marché. Autrement dit nous pouvons agir directement sur cette demande en atteignant directement ceux qui cherchent les prix les plus étudiés, comme en localisant les clientèles les plus pointues et les plus exigeantes qui cherchent l’inconnu, le peu connu ou l’exclusivité. »


Zelijko Trezner. ECTAA
Le délégué de cette fédération avoue cependant avec peut-être un peu de naïveté : « Quand on est un intermédiaire, il y a toujours quelqu’un qui cherche à vous éliminer, il faut donc trouver des partenariats. » Il n’a malheureusement pas détaillé la répartition des chiffres d’affaires entre les grands groupes et les franchisés d’un côté et les petits opérateurs spécialisés de l’autre, car c’est sur ce point que l’on aurait pu discerner si un véritable basculement vers la specialisation est en train de se produire.  

Je vais prendre le temps de détailler dans un article à venir les autres interventions qui traitaient pour leur secteur de la même question, mais au moins trois d’entre-elles m’ont amené à mettre d’abord l’analyse de la saisonnalité du tourisme en perspective. Elles concernent le nouveau public touristique des villes thermales sur lequel je travaille aujourd’hui avec un réseau européen ouvert sur le patrimoine et la culture EHTTA, mais aussi les initiatives qui concernent les publics qui voyagent pour la première fois et enfin les amateurs de grands espaces naturels.
Dans les années soixante et soixante-dix, j’avais l’habitude de faire chaque année un certain nombre de voyages avec des monomaniaques : les amateurs de jardins alpins français et les membres de l’Alpine Garden Society anglaise, les naturalistes parisiens, les membres de la Société Botanique de France ou de la Royal Horticulture Society. C’est vers ce type de public là et ceux qui leur ressemblent en raison de leur intérêt exclusif pour… la céramique, les affiches, les champs de bataille ou les livres rares, que d’une certaine manière la Fédération des opérateurs va conseiller aux professionnels de se tourner. Ils représentent en effet un pourcentage très important de professionnels et d’amateurs, parmi lesquels des jeunes et des retraités qui voyagent lors des premières étapes de la floraison dans les Jardins et les Parcs, mais aussi dans les grands espace naturels au moment de la fonte des neiges, ou dans le moment des floraisons d’automne, quand les oiseaux ou les poissons migrent et quand les insectes muent. Ou bien encore qui se déplacent pour les fêtes votives, les salons du livre, les rassemblement des « Tall Ships » oo les reconstitutions historiques. Ils ont un comportement écologique, une démarche durable, une volonté de protéger les espaces qu’ils explorent ou dont ils reproduisent souvent les caractéristiques en miniature à portée de chez eux et s’associent à la conservation du patrimoine immatériel. De plus, ils se déplacent en groupe et cherchent une aide pour l’organisation de leur voyage. Ce sont, en toutes circonstances de vrais voyageurs « désaisonnalisés ».

Berneix, Haute Savoie, France
J’ai eu également l’occasion, dans les mêmes années, en raison de mes activités touchant à la création textile de me lier d’amitié avec un certain nombre de néo artisans qui accueillaient des stagiaires dans des espaces souvent éloignés des lieux traditionnels de vacances, ce que l’on nomme les arrières pays. L’accueil à la ferme à une époque où les activités agricoles de petites entreprises familiales étaient encore notables, faisait partie de l’offre alternative, ainsi que celles offerte par des citadins "retournés à la campagne" qui cherchaient à relancer une activité agricole en grande partie rêvée.  Elle existe toujours dans les agritourismes, même si l’offre est aujourd’hui différente et résulte aussi d’exploitants plus traditionnels, voire adeptes de l’agriculture intensive, qui n’arrivent plus à équilibrer leurs revenus et leurs charges et ont besoin d’un revenu touristique, à l’égal des pêcheurs côtiers qui emmènent des touristes avec eux et les font participer au travail.

Les experts du tourisme culturel tel Greg Richards pointent de nouveau du doigt ces pratiques qu’ils découvrent avec quarante années de retard, en expliquant qu’elles constituent une mutation vers un tourisme des sens, sinon « sensuel », un tourisme actif et participatif. Je cite : « We also need our grounding in tourism as an everyday experience in order to be able to appreciate the differences by the host culture. This applies to all aspects of the culture, not just the commanding heights. As J.B. Priestly remarked: “A good holiday is one spent among people whose notions of time are vaguer than yours” – in other words it is the practice of everyday life that makes a culture different and attractive to many cultural tourists, not just specific attractions

Saisonnalité: la révolution de l’espace-temps

Bien évidemment, la phrase clef du texte de Greg Richards concerne la notion du temps, ou pour mieux dire l’utilisation du temps dans un contexte qui devient « exotique » durant les vacances car il ne correspond pas au temps des villes d’où proviennent les touristes, mais à un temps qui se rapproche de celui de la société traditionnelle. Le temps du pêcheur, de l’agriculteur, de l’artisan, du retraité n’ont rien à voir avec celui du salarié citadin actif et on peut s’étonner que l’ensemble des communications de la Journée Européenne du Tourisme n’aient pas été précédées d’un tableau général de l’évolution sociologique du « capital temps libre » dans le monde occidental, tableau en face duquel des solutions pourraient alors être répertoriées et posées en cherchant à accompagner une évolution vers la durabilité et le partage.

Un exemple particulièrement frappant est celui qui concerne en France le traitement de la question des rythmes scolaires qui doivent toucher bien évidemment d’abord les enfants en leur évitant la surcharge de travail, mais qui tient compte le plus souvent avant toute chose de la réaction des parents. Un récent article, paru dans le Quotidien du tourisme sur la proposition de « zonage » des vacances d’été, souligne une réaction à la fois massive et contradictoire : « Selon un sondage réalisé par Lastminute.com, 74% des Français ne sont pas favorables au zonage des vacances d’été. Les raisons de ce désaccord sont multiples. Tout d’abord, les Français interrogés n’ont pas envie de se voir imposer leur période de vacances en raison de cette mesure instaurée par le gouvernement. En effet, 46% souhaitent choisir leurs dates de vacances et partir quand bon leur semble. D’autre part, 52% des répondants ne peuvent pas choisir leurs dates de vacances car elles leur sont imposées par leur employeur. » Autrement dit les Français veulent choisir, mais leur choix reste conditionné par la « valeur travail ». Ne parlons même pas des chômeurs. Une telle contradiction souligne bien qu’une mutation est en route dans une société où le temps est à la fois alterné et individualisé, mais réinscrit en permanence dans le temps mondial et universel et que cependant les logiques du temps posté prédominent encore. C’est je pense cet ensemble de contradictions qui doivent être prises en compte par les responsables des politiques touristiques qui travaillent sur cet espace privilégié du voyage et des vacances que constitue depuis des centaines d’années, le territoire euro-méditerranéen.
Ce n’est pas du pédantisme que de rappeler des évidences sociologiques sur la « création », la « construction » et l’évolution des territoires de vacances et de la manière de les atteindre. Jean Viard écrit : « Le tourisme est un mode de production territorial nourri par la mobilité, donc la comparaison. Il bouleverse les usages sédentaires des territoires par ce fait même, en imposant progressivement son propre marquage comparatif et inscrivant chaque lieu dans ce qu’on peut appeler « une culture du paysage ». Et plus loin, après avoir décrit le passage du tourisme religieux, au tourisme aristocratique, puis au tourisme de « station », il ajoute: «…le train accentua ces processus, organisant les migrations rituelles saisonnières d’une partie des élites entre les stations d’hivernage, la saison des spectacles en ville, les stations où on allait prendre les eaux et les propriété agraires où l’on séjournait en période de récoltes et de chasse. Cette logique de cour sans monarque à l’échelle européenne fonda les hauts lieux du tourisme. » 
Au temps du thermalisme mondain
C’est cette logique en effet, étendue démocratiquement à des populations de plus en plus nombreuses, qui a créé les vacances migratoires des occidentaux vers quelques lieux correspondant à des typologies précises, dans un espace de temps concentré obtenu non sans difficultés par les conquêtes sociales. En décalque des périodes historiques précédentes on retrouve sur le continent européen (je n’évoque pas ici le tourisme exotique) : les stations balnéaires et thermales, les festivals, les grands rassemblements rock et pop et les compétitions sportives, les vacances de neige et le séjour à la campagne. Toutes ces catégories ayant été transcendées par le tourisme culturel et itinérant tel qu’il s’est peu à peu redéfini au sein d’un espace transfrontalier européen et euroméditerranéen. Dans ce cadre-là, la définition de la culture, au-delà de la culture légitime décrétée par une élite, se diversifie et peut être aussi bien une approche culturelle scientifique, que technique ou artistique. La pratique culturelle fondée sur un éventail totalement ouvert permet pendant les vacances une appropriation individuelle faite de coups de cœur et d’épanouissement des passions personnelles.


Musée Guggenheim Bilbao, Espagne.
Une fois ces bases posées, il reste encore à prendre en compte la révolution de la notion d’espace-temps qui nous est imposée par les nouvelles formes de circulation de l’information et qui est en effet en train de favoriser l’effet de tribus non seulement en matière de cercles d’intérêt, mais encore plus en matière de jugements collectifs. Les pèlerins modernes qui marchent vers Saint-Jacques de Compostelle ou Rome ne sont plus seulement des migrants partageant une démarche commune dont ils font le récit et le bilan une fois par an avec leurs semblables, quand ils sont revenus, mais des itinérants géo-positionnés qui communiquent en temps réel avec le reste des membres de leurs tribus. Et d’une certaine manière, à leur image, tous les migrants saisonniers qui se sédentarisent pour quelques jours ou quelques semaines vivent grâce à l’internet et le téléphone portable à la fois dans le lieu et le temps de leurs vacances, sans couper pour autant les liens avec le lieu d’où ils viennent et donc avec le temps citadin de leur famille étendue et de leurs amis, tout en partageant les espaces et le temps des vacances des autres membres de leurs tribus. Des démarches commerciales comme celle de « trip advisor » ont parfaitement compris cette spatialité multiple et savent en jouer pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Cela se nomme pour une bonne part de la schizophrénie temporelle et spatiale, mais c’est en y regardant de plus près et en examinant donc les signes du changement profond du sentiment de l’espace et du temps - et seulement ainsi - que les professionnels pourront comprendre comment ils pourraient s’y adapter et définir de ce fait de nouveaux métiers.

Spa, du tourisme élitaire aux Francofolies

Autrement dit, pour reprendre l’exemple des itinéraires culturels qui constituent la plus grande avancée en matière de « voyages pour la connaissance », réconciliant temps historique et temps virtuel, espace rêvé et espace concret, ce ne sont pas ces itinéraires qui doivent s’adapter à l’industrie du tourisme, mais l’industrie du tourisme qui doit créer les nouveaux métiers et les nouveaux savoir-faire qui leur sont nécessaires pour qu’ils continuent à nous aider à comprendre où nous nous situons dans une continuité socio-historique continentale.
Le pré carré européen peut redevenir un espace narratif absolument incomparable, reliant sens de la responsabilité, sens du collectif, besoin d’identité tribale et compréhension de l’espace-temps. Mais en tant qu’espace touristique, les professionnels le voient encore selon le diagnostic qu’en donne Jean Viard. « Le cœur de l’Europe touristique occupe ainsi une zone plus ou moins dense de 1.000 kilomètres au sud de la « banane bleue », soit l’axe Londres-Milan déporté de Bilbao à la Costa Brava, la France quasi entière, le Nord italien, le littoral adriatique, demain la Mer Noire. »

Durant deux années, la Journée Européenne du tourisme avait donné le sentiment d’avoir pris en compte les démarches nouvelles du tourisme culturel transfrontalier, il faut espérer que les croisements de l’Europe sont encore d’actualité à Bruxelles.

Amirou R. (2000). Imaginaire du tourisme culturel. Presses Universitaires de France.
Buhalis D., Laws. E (2001). Tourism Distribution Channels: Practices, issues and transformations. London: Thompson Learning. (Professor Buhalis website: http://www.buhalis.com/ )
Richards G. and Raymond C. (2000). Creative tourism, ATLAS news, N°23, 16-20.
Richards G. and Wilson J. (2007). Tourism, creativity and development, Routledge, London.

Viard J. (2011). Eloge de la mobilité. Essai sur le capital temps libre et la valeur travail. L’aube.


mardi 2 octobre 2012

Le tourisme européen au milieu du gué


Durant deux années la Journée Européenne du Tourisme a pris pour sujet et objet le patrimoine et même cet objet patrimonial complexe que sont les itinéraires culturels, afin de se « décaler » des présentations traditionnelles habituelles où les lobbys disposent annuellement d’une tribune pour réaffirmer l’importance économique de tel ou tel secteur professionnel. Le pari était de taille puisqu’il ne s’agissait plus seulement de constater, mais de prévoir et de ce fait même d’aider ceux qui avaient pris le tournant du tourisme transfrontalier, sans attendre l’application pratique du Traité de Lisbonne. J’ai déjà expliqué en détails cette évolution et la manière dont après plus de dix années d’attente, sous l’impulsion du Vice-Président de la Commission européenne Antonio Tajani, le scénario du tourisme européen avait changé soudain de décors en tenant compte de nouveaux acteurs.

 

Trapani, Sicile. Route du sel.


La présentation de 2012 est en quelque sorte revenue sur des rails plus traditionnels en cherchant à s’équilibrer sur deux jambes : le thème de la lutte contre la saisonnalité persistante du tourisme précédant, le matin, celui du tourisme côtier, largement déployé l’après-midi dans le dynamisme d’une table-ronde. L’importance prise récemment au sein de la Commission européenne par la nécessité de diversifier les activités maritimes, tout en les protégeant des excès en tous genres (surpêche, constructions envahissantes, concentrations touristiques sauvages, ignorance de l’arrière-pays, concentration du capital dans des mains étrangères…) atteignant l’intégrité des patrimoines culturels et paysagers et même la qualité des eaux marines ce qui est le comble, répond comme dans d’autres secteurs économiques à un souci de ne pas tuer définitivement la poule aux œufs d’or.

Maria Damanaki. Commissaire  en charge des Affaires maritimes et de la pêche


Mais comme dans d’autres secteurs, l’action intervient cinq minutes avant la mort et prend une allure de sauvetage d'un moribond. La Commissaire Maria Damanaki et la Direction Générale qui ont la charge de ce secteur (Affaires Maritimes et pêche) sont placées aujourd’hui par le Parlement européen et ses pressions légitimes devant plusieurs défis de taille qui dépassent de loin les capacités de l’Union européenne, puisque l’on a affaire à un phénomène mondial dont la responsabilité incombe à tous les pays signataires des grands traités et des résolutions sur la protection de l’environnement.

Mais tout en s’appuyant sur les contradictions des pays membres et leur affirmation constante des règles de la subsidiarité (seul le Ministre du Tourisme de Malte était présent) deux Commissaires et deux Directions générales pouvaient au moins se retrouver sur un objectif commun : faire que les mers qui baignent l’Europe et que nous partageons avec d’autres continents répondent aux mêmes critères de qualité d’accueil que d’autres destinations touristiques qui ont su renouveler non seulement leur offre, mais aussi l’approche de la visite touristique elle-même.

Mario De Marco, Ministre du tourisme, de l'environnement et de la Culture de Malte

En ce sens, la Méditerranée – jusqu’à la Mer Noire, cette mer civilisatrice de trois continents, première destination nautique du monde, constitue un cas d’école où la géopolitique rejoint et même conditionne la politique des loisirs, tandis que la Mer Baltique, du fait de la réunification de l’Europe, constitue un autre champ d’exercice où les coopérations retrouvées entre les pays qui la bordent ont déjà donné lieu à des expérimentations tout à fait intéressantes. Personne n’a d’ailleurs évoqué le cas de la Mer de Barents et celui de la zone Arctique qui sont déjà pourtant placées au cœur de combats géostratégiques essentiels et où le tourisme se développera, de manière inéluctable, ne serait-ce que par une évolution climatique mondiale qui redistribuera en partie les cartes dans les cinquante années à venir et sera certainement déjà mesurable en 2020 quand l’Union européenne fera un point d’ordre sur les résultats de sa politique de croissance.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’étendre les saisons du tourisme et donc de mieux répartir la fréquentation des visiteurs ou de se prévoir une politique proactive pour un développement côtier harmonieux et maîtrisé, il s’agit de diminuer les effets agressifs de la consommation de masse et donc par voie de conséquence du tourisme de masse en tenant compte des évolutions sociologiques où la pyramide des âges a singulièrement évolué depuis soixante ans et où la conception des vacances a largement évolué de l’attente passive de l’offre à la réponse active de touristes redevenus des voyageurs.

Marché aux poissons. Venise, Italie.


Avant de présenter les exemples qui ont été choisis par les responsables de la Commission européenne pour illustrer des cas de bonnes pratiques concernant les deux thèmes, je voudrais terminer cette présentation générale par une remarque sur l’évolution du cadre de la politique touristique lancée avec beaucoup de courage et de détermination en 2010. Il ne reste que deux années pour finir d’en installer les instruments avant le changement de Commission et les élections européennes, même si le combat pour l’augmentation significative du budget tourisme après 2014 semble gagné, ce qui devrait permettre d’enraciner réellement certaines actions.

Et parmi ces instruments viennent en premier la création d’un observatoire sur le tourisme à l’échelle européenne et la mise en place d’un label de qualité qui puissent permettre de disposer des outils de gouvernance d’une marque « Europe » pour ne pas reprendre le terme anglais du « branding » dont on peut se demander s’il peut vraiment caractériser une politique de renommée à l’échelle d’un continent aussi diversifié et mouvant.

Sans ces instruments, mis au service du renforcement du succès d’une destination, l’Europe essentiellement perçue comme « culturelle » par ses visiteurs mondiaux, les premiers efforts du plan qui sont des réussites encore fragiles pourraient être mis en danger. Ce plan qui affirmait – enfin – le caractère patrimonial et identitaire du tourisme européen et qui a créé les occasions de rapprocher les acteurs qui en sont les plus convaincus (Coopération en matière d’itinéraires culturels labellisés par le Conseil de l’Europe, « Crossroads of Europe », aide aux régions constituées en réseaux, label EDEN…) s’affronte, comme le soulignait justement Antonio Tajani à l’ouverture de cette journée, à la troisième révolution industrielle, celle de la communication et des industries de la connaissance.

Ouverture de la JET. Antonio Tajani et Pedro Ortun (écran)
Parler comme l’a fait le Commissaire de « voyages pour la croissance » en évoquant la politique volontariste des « 50.000 touristes » concernant les pays émetteurs d’Amérique latine et en souhaitant une évolution significative de la délivrance des visas touristiques pour faciliter les visites, est certes d’actualité, si on en croit les statistiques qui marquent la résistance de ce secteur d’activité en Europe par rapport aux industries lourdes.

Mais il faudrait aussi pouvoir mesurer dans le cadre de l’observatoire l’impact de « voyages pour la connaissance » comme le sont les démarches des itinéraires culturels qui, fort heureusement ne sont pas solubles dans l’ingénierie touristique traditionnelle.
A mon sens, l’un ne va pas sans l’autre car le phénomène touristique est loin d’avoir fini de muter.

dimanche 19 août 2012

Le tourisme et l’Europe dans les organisations internationales (IV)



L’Union européenne


Le cas de l’Union européenne (27 pays membres. 500 millions d’habitants) est exemplaire en ceci que, ni lors de la première étape de la création d’une Haute Autorité (1951 CECA), ni lors de la seconde aboutissant à la signature des Traités de Rome (1957-1958) il n’est indiqué de compétence directe en matière de tourisme. Au tout début, comme l’écrit si malicieusement Luuk van Middelaar « La France cherche dans l’Europe une réincarnation d’elle-même. A travers l’Europe, l’Allemagne cherche (cherchait) pour sa part la rédemption de ses fautes. Quant à la Grande Bretagne, elle cherche « une chaise à la table » dès qu’on en instaure une. »


Un peu d'histoire, de l'Europe et des congés


L’idée de Fédération européenne, dont on reparle tous les jours sous la pression d’une crise économique qui rend nécessaire la création d’une autorité forte sous forme d’une Union bancaire qui puisse renforcer l’Union monétaire, est caractérisée à sa naissance par une prise en compte d’urgences politiques devant conduire, par la pratique, à une Paix éternelle. Il s’agissait aussi bien sûr que certaines des productions industrielles, essentielles à assurer une autonomie de ce nouveau club fédéral vis-à-vis du monde, fassent l’objet d’une politique concertée.

Le 9 mai 1950 Robert Schuman rend public un texte qu’il a modifié au dernier moment pour l’élargir au-delà d’une simple collaboration transfrontalière et qui a la prudence de commencer par le mariage d’un couple en cours de réconciliation et de mettre en avant deux industries clefs, pour n’en venir qu’ensuite aux valeurs fondamentales: « Le gouvernement français propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une Haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe… Cette proposition réalisera les premières assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix. ».



Le tourisme, c’est d’un côté l’affaire d’une élite qui, depuis des siècles n’a pas eu besoin de prescription politique ou sociale pour se déplacer et de l’autre, l’affaire des congés payés, quand ils ont été institués, ce qui n'est pas toujours le cas. En France, les congés payés sont un droit acquis par les travailleurs depuis le 7 juin 1936 (le 8 juillet de la même année en Belgique), mais entre 1900 et 1930, les congés payés sont instaurés dans d’autres pays européens : l’Allemagne, la Norvège ou la Pologne. On imagine bien que les régimes politiques si contrastés de l’après-guerre et surtout les partages entre d'une part les démocraties, les régimes communistes et les régimes fascistes, d’autre part, ne permettent pas de faire de véritables comparaisons. Fin 2011 par contre, la comparaison est plus facile. Le chiffre atteint en France est de 36 journées comptées en jours ouvrables et incluant les jours fériés, comme au Royaume-Uni et en Suède. Il est légèrement supérieur en Autriche, à Malte ou en Grèce et très inférieur en Allemagne, Irlande et Roumanie (29). Le nombre le plus faible étant l’apanage des Pays-Bas (28). Le nombre de trimestres de travail nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein est en constante discussion pour aller vers une augmentation inéluctable dans tous les pays européens. Par contre, le nombre de journées de congés payés ne semble pas devoir être revu à la baisse immédiatement car l’activité économique qui est générée par l’utilisation de ces loisirs pour une activité touristique est essentielle aux économies mondiales. La répartition de ces congés dans l’année a par opposition considérablement évolué en passant progressivement d’une structure mono-polaire (les vacances d’été) à une structure bipolaire avec la « création » des vacances d’hiver, ou de neige, puis au caractère multipolaire de congés principaux, d’été et d’hiver relayés par de longs week-ends.



Le 25 mars 1957, au Capitole de Rome, sont signés les traités portant sur une communauté de l’énergie nucléaire et sur une communauté économique. L’arrière-plan géopolitique est d’abord celui de la crise de Suez et de la situation inquiétante qui est née avec la répression de Budapest, autrement dit, celle de la structuration, pour des années, d’un partage du monde entre deux blocs qui s’équilibrent par la peur et qui règnent en patrons sur leurs zones d’influence. Certains pays européens, un peu contraints par les circonstances, finissent par renforcer le noyau fondateur de l’Europe afin de lui conférer plus de résistance politique et économique et en font une Communauté. Si l’énergie nucléaire civile fait son entrée, sans que soit réglée la question de ses aspects militaires, la France introduit l’idée de la politique agricole commune qui continue jusqu’aujourd’hui à occuper le devant de la scène. On pourrait dire en première approche que la définition d’une libre circulation des personnes (et ses limitations légales protectrices), ainsi que la négociation sur l’extension à la semaine de quarante heures de la France vers l’Allemagne sont les seules mesures qui touchent directement la politique et la forme des loisirs, donc la nature du tourisme en Europe.

Par rapport aux acquis fondamentaux et aux droits dérivés ainsi qu’au renforcement d’une Guerre froide qui pourrait à chaque instant devenir chaude, cette remarque sur les loisirs peut sembler anecdotique. Elle ne l’est certainement pas puisqu’on voit se définir une nouvelle étape du temps partagé sur laquelle se greffent des réponses du marché. Le Club Méditerranée, pour ne citer qu’un exemple s’est créé en 1950. Gilbert Trigano l’a rejoint en 1954. En 1956, le Club Méditerranée ouvre son premier village d'hiver à Leysin, en Suisse.



Il y a 20 ans, à quelques mois près, une cérémonie organisée à Maastricht a marqué le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire de la coopération européenne. Le 7 février 1992, les ministres des Finances et des Affaires étrangères des douze États, alors membres de la Communauté européenne, apposaient leur signature sous le traité sur l’Union européenne, consacrant la mise en place à terme d’une monnaie européenne commune. Un certain nombre de domaines vont enfin être pris en compte - de manière affirmée et en tant que tels - dans le cadre d’une politique économique commune qui touche les secteurs économiques qui nous intéressent ici : l’environnement, la recherche et développement technologique, l’éducation et formation de qualité, la culture, la protection des consommateurs. Des mesures sont prises pour les domaines de l'énergie, de la protection civile, et du tourisme.

J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer en détails l’étendue et la réalité des compétences de l’Union européenne en matière de tourisme, telle qu’elle a évoluée entre 1992 et 2009. En dehors d’une évolution géopolitique majeure permettant l’ouverture des frontières (la Convention de Schengen date de 1990), sans parler bien entendu de l’adhésion de nouveaux pays et de l’adoption de nombreuses directives sur la circulation des citoyens et les échanges économiques dans un marché unique en voie d’extension, un seul article du Traité de Lisbonne soutient en fait la prise en compte d’une politique du tourisme par l’Union européenne dans toute son étendue actuelle. Selon l’article 195 du Traité, l’Union européenne peut en effet : «Promouvoir la compétitivité des entreprises de ce secteur et créer un environnement favorable à leur développement, favoriser la coopération entre les États membres, notamment par l'échange de bonnes pratiques et enfin développer une approche intégrée du tourisme en assurant la prise en considération de ce secteur dans ses autres politiques



Un ensemble de mesures


Je ne crois pas utile, contrairement à la première partie de cet article, de refaire un historique des mesures récentes que j’ai déjà présentées dans le post cité ci-dessus. La «Communication de la Commission» intitulée : «L'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen» a en effet changé radicalement, mais de manière indicative et incitative, l’idée même de la nature du tourisme qui doit faire l’objet d’une aide et d’une promotion pour renforcer la Destination Europe. «L'Union européenne peut contribuer à la diversification de l’offre en encourageant les flux intra-européens grâce à la valorisation de produits touristiques thématiques à l’échelle européenne. En effet, les synergies transnationales peuvent favoriser une meilleure promotion et une visibilité touristique accrue. Elles peuvent ainsi inclure l'ensemble du patrimoine dans toute sa diversité: patrimoine culturel (y compris les itinéraires culturels), création culturelle contemporaine, sites naturels protégés, tourisme de bien-être et de santé (y compris tourisme thermal), tourisme d’éducation, tourisme oenogastronomique, historique, sportif ou religieux, agritourisme, tourisme rural, ou encore le tourisme valorisant le patrimoine maritime et culturel subaquatique ainsi que le patrimoine industriel ou le tissu économique d’une région» est-il indiqué.

C’est donc beaucoup plus un commentaire sur la superposition des mesures qui sont proposées depuis deux ans, superposition de décisions et de cadres récents à des décisions antérieures, que je souhaitais présenter cette fois. Cet ensemble, encore en partie hétéroclite puisqu’il tient compte de l’histoire des formes du tourisme et de l’évolution des acteurs du tourisme, constitue aujourd’hui la politique prioritaire de la Commission Européenne en ce qui concerne « Le tourisme et l’Europe ». Je ne reviendrai pas, par contre sur des programmes que j’ai déjà commentés comme EDEN ou sur les récentes notes de tendance de la Commission (Le tourisme en Europe, moteur économique).

Même si le tourisme est devenu une activité répandue qui, grâce aux aménagements sociaux et aux encouragements divers touche tous les âges et toutes les classes sociales, la Commission Européenne avait le devoir, comme pour tous les secteurs dont elle s’occupe, de favoriser tous les Européens et de faire disparaître les inégalités. Or si le nombre de touristes dans le monde ne cesse de croître, au sein des pays développés, les inégalités se sont creusées ces dernières années de manière terrible entre ceux qui partent et ceux qui n’en n’ont pas les moyens, non seulement dans le monde, mais aussi au sein même de l’Europe et on sent bien que le phénomène ne va faire que s’amplifier. Atteindre les jeunes veut dire permettre l’accès du tourisme à des Européens ne disposant que de budgets réduits, voire inexistants si on en croit les statistiques en hausse constante du chômage chez les jeunes. De plus, à l’autre extrémité de la pyramide des âges, la durée de vie moyenne augmentant elle aussi régulièrement, le déplacement touristique se poursuit à un âge où les seniors  et les retraités sont encore en forme, abondant par leur nombre des comportements touristiques qui n’étaient autrefois que marginaux, comme la marche au long cours. Ils y retrouvent d’ailleurs paradoxalement les plus jeunes, participant ainsi de manière intergénérationnelle à une forme particulièrement passionnante de l’économie sociale. Mais par contre, les années de vie où les personnes vieillissante ont du mal à se déplacer dans des conditions normales, augmente également, tandis qu’augmente parallèlement celui des personnes souffrant d’un handicap permanent et pour lesquelles les aménagements d’accès constituent une absolue nécessité.

C’est donc un secteur entier du marché touristique qui nécessitait de bénéficier d’études et de mesures urgentes. Y pourvoir constituait tout à la fois un devoir éthique, mais participait aussi à une meilleure répartition des forces, des dépenses, comme des saisons touristiques.




            Tourisme social


C’est en 2009, donc avant même que la « Communication » soit adoptée, qu’une mesure préparatoire a été lancée sous le « nom de code » CALYPSO. Un budget de un million d’euro a été alloué en 2009 et 2010, de manière tout à fait comparable à ce qui vient de se passer pour les itinéraires culturels et le tourisme culturel transfrontalier. Le budget a été porté à 1.5 million euro en 2011, année qui constituait la fin de cette période préparatoire. Le but du tourisme social est de permettre au plus grand nombre de partir en vacances et, partant, d'accroître sensiblement la mobilité des Européens quel que soit leur âge ou leur origine sociale. « Cette forme de tourisme peut également contribuer à lutter contre les déséquilibres saisonniers, renforcer la notion de citoyenneté européenne et promouvoir le développement régional tout en facilitant le développement de certaines branches des économies locales….Il permet le développement du tourisme de basse saison, notamment dans les régions dans lesquelles le tourisme est bien développé mais soumis à d'importants déséquilibres saisonniers. Il permet également aux destinations peu connues, de petite taille, ou émergentes de promouvoir leurs offres auprès d'un plus grand nombre de citoyens européens », ajoute la Commission.
En 2009-2010, des études ont été menée sous le titre «Échanges touristiques en Europe: développer l'emploi, étendre la saisonnalité, renforcer la citoyenneté européenne et faire progresser les économies locales et régionales à travers le développement du tourisme social». Des réunions de sensibilisation, comme de facilitation des échanges ont été préparées dans le but de déterminer les mécanismes permettant de promouvoir les échanges touristiques à des prix attrayants entre différents pays, en basse saison. Ces réunions ont été organisées dans différents pays d'Europe (Pologne, Roumanie, Italie, France, Espagne et Belgique).
En dehors du matériel de communication, des appels à proposition ont eu lieu. Ils visaient à aider les autorités publiques chargées du tourisme à permettre aux groupes cibles CALYPSO de participer à des échanges transnationaux en basse saison dans un avenir proche. Ils cherchaient très précisément :

-          à aider les autorités publiques à mettre en place, développer et/ou renforcer les infrastructures CALYPSO dans leur pays.

-          à permettre la mise en réseau des autorités publiques et à accroître leur collaboration dans le but de promouvoir les échanges en basse saison pour un ou plusieurs des quatre groupes cibles CALYPSO.

-          à mener des études susceptibles d'améliorer la situation dans les pays participants et de faciliter ainsi les échanges en basse saison.

Une plateforme d’échange est en cours de préparation sous l’acronyme STEEP « Social Tourism European Exchanges Platform » pour continuer à accueillir tous les échanges.


Tourisme durable


Dans la lignée de ses précédentes communications sur la politique en matière de tourisme, la Commission européenne a adopté en octobre 2007 son Agenda pour un tourisme européen compétitif et durable. Il était en grande partie fondé sur les conclusions du groupe d’étude de ladurabilité touristique, composé d'experts provenant d'associations du secteur des destinations et de la société civile, ainsi que sur les résultats d'une consultation publique qui s'est tenue entre avril et juin 2007. Dans cet agenda, la Commission européenne établissait le cadre pour la mise en œuvre des politiques et actions européennes de soutien dans le domaine du tourisme et dans tous les autres domaines ayant un impact sur le tourisme et sa viabilité. Elle prévoyait pour ce faire une approche progressive. C’est grâce au travail d’un groupe d’experts mis en place à la fin de 2004 le « Tourism Sustainability Group » (TSG) composé de vingt-deux membres venus de différents pays et de différents horizons, un groupe élargi aux organisations officielles, ainsi qu’à l’OMT et au Programme des Nations Unies pour l’Environnement que différentes priorités ont été explorées. Elles concernaient le domaine des transports et celui de l’accueil, celui de l’extension des mouvements touristiques hors des saisons traditionnelles, mais aussi les économies d’eau et d’énergie et la question du recyclage, la réduction des nuisances sonores, le respect des identités naturelles et culturelles des lieux visités, l’encouragement des économies locales, y compris dans les domaines artisanaux et la protection du patrimoine culturel et naturel. 


Route de Don Quichotte. Castilla La Mancha, Espagne.
Des appels d’offres ont suivi ces réflexions là aussi au titre de mesures préparatoires (2009-2011) et un certain nombre de projets et de structures sont nés du corpus ainsi mis en place, ce dont témoigne la naissance en 2007 du Réseau NECSTOUR, réseau des régions d’Europe pour le tourisme durable et compétitif, ou encore, parmi d’autres, le travail de la Cité Européenne de la Culture et du Tourisme Durable à Gréoux-les-Bains en France sur des outils susceptibles de mesurer la durabilité des projets touristiques et celui du projet Odyssea sur la mise en place d’une politique de durabilité pour la mise en tourisme nautique des Villes Ports en Méditerranée. C’est ainsi que la Commission Européenne a apporté une aide très appuyée au tourisme cyclable et en particulier à l’initiative sur l’itinéraire du Rideau de Fer (Iron Curtain Trail). Une liste de structures liées à cette question de la durabilité est donnée sur le site de l’European Travel Commission.



A partir de 2011 les initiatives se confondent de plus en plus avec celles qui concernent les itinéraires culturels et le tourisme transfrontalier et donc en grande partie avec le nouveau cadre enfin désigné du nom de tourisme culturel que je commenterai dans le chapitre suivant. En dehors de la coopération avec le Conseil de l’Europe sur l’étude que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, plusieurs projets ont été retenus à la suite de l’appel à projet de l’été 2011 (a call for proposals aiming at promoting transnational thematic tourism products and enhancing sustainable tourism development). Il s’agit du projet Per Viam (The project is about The Via Francigena and the other trans-national pilgrimage routes certified by the Council of Europe as tools of sustainable cultural tourism development and community participation to the enhancement of Europe’s cultural and heritage diversity), de la Routecyclable du Danube (The project is about connecting partners from Austria, Germany, Slovakia, Serbia and Bulgaria in order to create a substantial basis for the development and recognition of hiking tourism within the Danube area), des Greenways4Tour (Promoting and increasing international awareness of European greenways as excellent facilities for cyclists, walkers and people with disabilities and improving sustainable tourism choices in Europe), des Limes Tourism Connection (The project is about developing the frontiers of the Roman Empire as a transnational initiative) et Eurovelo.




Comme on peut le constater, les Routes cyclables et pédestres sont bien là au rendez-vous. On attend avec grande impatience les résultats de ces cinq derniers projets, résultats qui devraient être présentés au printemps 2013 car une tendance marquée, celle de la montée du tourisme alternatif doux et lent, reste une tendance tant que l’on ne possède pas d’éléments de mesure d’impact. Il est heureux qu’un itinéraire ayant reçu la mention du Conseil de l’Europe fasse partie des projets retenus, d’autant plus qu’il s’agit là d’un modèle qui correspond au point de départ même de ce programme qui fête cette année ses vingt-cinq ans, les itinéraires de pèlerinage. Il doit, de ce fait, représenter tous les itinéraires reconnus par le Conseil et fondés sur l’idée de l’itinérance douce. Les actions prévues, telles qu’elles sont présentées dans le résumé du projet, s’inscrivent certes dans une démarche de durabilité, mais surtout dans une démarche de visibilité et de mise en réseau très large de systèmes comparables inscrits dans plusieurs espaces géographiques. Elles apporteront certainement des éléments complémentaires à la première analyse sur l’impact des itinéraires culturels dont les méthodologies et les résultats méritent une approche critique spécifique, car pour l’instant, les opérateurs disposent au travers de cette étude d’une série de conseils, d’une série de critiques et d’une liste de démarches à suivre, mais d’aucune idée précise sur les impacts réels, sinon qu’ils pourraient être plus importants, sans que l’on sache bien comment et dans quels secteurs. Il faut dire que les exemples choisis dans cette étude sont tellement hétérogènes qu’il était de ce fait difficile d’en tirer des conclusions générales. La modélisation multifonctionnelle des différentes catégories d’objets culturels et patrimoniaux ayant reçu une mention sous le titre d’Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe reste encore à faire, ce qui rend le projet Per Viam d’autant plus utile, compte tenu du resserrement de la typologie choisie.


Route de Saint Michel. Mont-Sain-Michel, France.

Tourisme culturel


J’ai déjà indiqué à quel point le tourisme culturel a fait partie des préoccupations de la Commission européenne entre 1995 et 1996. La Déclaration de Majorque issue d’un travail commun entre l’Unesco, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe ouvrait un grand champ culturel, malheureusement trop vite refermé du côté de la Commission en raison des oppositions de grands pays à une politique touristique commune en 1997 : «Depuis le Siècle des Lumières, la vie culturelle en Europe a trouvé un moyen d'expression, en même temps qu'une ressource inépuisable : les voyages. C'est l'Europe en effet qui, dans toutes les phases pacifiques de son histoire, a développé les échanges culturels liés à des déplacements : récits des écrivains-voyageurs, séjours d'artistes, inspiration cherchée sous d'autres cieux, modes des visites culturelles lointaines, comme ces fameux "tours en Europe" des  enfants de 1'aristocratie anglaise qui ont donné son nom au tourisme... À l'appui de ces pratiques, c'est toute une logistique de l'accueil initialement gracieux puis de l'hospitalité marchande qui s'est mise en place. L'Europe a inventé et mis au point le service touristique au bénéfice d'un tourisme initialement consacré à la culture et à la découverte de l'autre


Route de Don Quichotte. Castilla La Mancha, Espagne.
Aménagements près de Toléde.

Le Commissaire Tajani revient aujourd’hui sur des chemins tracés il y a quelques années et on se doit de saluer la mise en place d’une page entière du site de la Commission intitulée « Tourismeculturel ». Le texte cadre proposé est moins lyrique que celui de 1996 mais propose un chiffre sur lequel on peut bien sûr s’interroger, sauf si on conçoit le tourisme culturel par le seul fait de visiter au moins un patrimoine au cours du voyage en Europe : « L'Europe est une destination de premier choix pour le tourisme culturel. Elle compte un grand nombre de sites majeurs et accueille un large flux de visiteurs, venus d'Europe et d'ailleurs. On estime que le tourisme culturel représente environ 40 % de l'ensemble du tourisme européen. De plus en plus, les touristes sont à la recherche d'authenticité et de vraies rencontres avec des cultures et des personnes différentes. Les politiques touristiques vont devoir s'adapter à ces nouvelles tendances et développer une offre de qualité, mettant en valeur les cultures et traditions locales et soucieuse de préserver le patrimoine, les paysages et la culture locale. Les produits du tourisme culturel transnational incarnent nos valeurs et notre patrimoine européens communs. Ils contribuent à donner à l'Europe l'image d'une destination touristique «unique». C'est pourquoi la Commission européenne met en œuvre un certain nombre d'actions visant à promouvoir les produits touristiques transnationaux qui présentent un fort potentiel de croissance. »

Il allait de soi, même s’il a fallu quinze années à la Commission européenne pour y venir grâce à l’appui des pays membres, que les itinéraires culturels européens constituaient l’offre correspondant très exactement au besoin de cohérence de la destination Europe. Je ne voudrais pas déformer les intentions de la Commission, c’est pourquoi je cite quasiment intégralement le texte : Les «itinéraires culturels européens», qui traversent plusieurs régions ou pays, sont un bon point de départ pour mettre en valeur la variété et la richesse de l'offre de tourisme culturel en Europe. Ces itinéraires possèdent un potentiel touristique important, encore largement inexploité. Ils sont à la fois transnationaux et représentatifs de nos valeurs et de notre patrimoine communs. Ils sont également perçus comme un modèle durable, éthique et social, car ils s'appuient sur des connaissances, des compétences et un patrimoine locaux, et font souvent connaître des destinations européennes moins visitées. En outre, 90 % de ces itinéraires se trouvent en zone rurale. Une coopération active avec le Conseil de l'Europe, la Commission européenne du tourisme, l'Organisation mondiale du tourisme des Nations unies et d'autres partenaires internationaux contribue au développement d'itinéraires touristiques thématiques dans toute l'Europe. À l'heure actuelle, il existe 29 itinéraires (24 depuis la dernière réunion du Comité compétent au sein du Conseil de l’Europe) transnationaux reliant des villes, des villages et des communautés rurales sur tout le continent. À travers eux, l'Europe est perçue comme une seule et même destination touristique. »

Ce n’est pas ici le lieu de discuter les chiffres de fréquentation ou le nombre des itinéraires culturels et son évolution, ni le travail réellement entrepris par les partenaires cités. En ce qui concerne l’Organisation Mondiale du Tourisme et l’Unesco, on peut se reporter à certains des posts précédents qui décrivent le travail entrepris dans ce secteur et pour ce qui concerne le Conseil de l’Europe, on devra attendre le post suivant. Il est sans doute plus significatif de présenter les projets retenus par un second appel d’offre lancé en 2011 sur des projets de tourisme culturel transnational puisqu’ils sont indicatifs de bonnes pratiques ou de domaines appréciés a priori par la Commission comme des solutions pour l’avenir.



Via Francigena. Cathédrale dee Fidenza, Italie.

Le projet CERTO (Cultural European Routes: TOols for a coordinated communication & marketing strategy) concerne la Via Francigena, les itinéraires de Saint-Jacques de Compostelle et la Route de Saint Olav. (The project aims at contributing to alleviate one of the problems and weaknesses perceived at EU level and expressed in the Call: the lack of a common and coordinated European communication and marketing strategy for cultural tourism initiatives, meaning the lack of a true European "cultural tourism product". The project intends to develop an integrated promotion & visibility strategy shared by the 3 transnational routes recognized by the Council of Europe.) Je ne peux bien entendu que redire à ce propos mon attente impatiente des résultats de ce travail compte tenu de la cohérence typologique que j’ai déjà soulignée pour ce qui concerne les itinéraires de pèlerinage.


Pèlerinage de Saint Olav, Trondheim, Norvège.

Le projet TECH-TOUR (Technology and tourism: augmented reality for the promotion of the Roman and Byzantine itineraries) implique essentiellement l’Adriatique. Culturalroutes in the Middle and Lower Danube Region porte sur la Route des empereurs et la Route du vin dans les régions danubiennes. Il réunit essentiellement des ministères nationaux, la chambre d’économie de Croatie et deux partenaires privés : HorwathHTL en Croatie et Mioritics en Roumanie.  WE.COME (Hidden WondErs of our COMmonEuropean heritages) m’est apparu très peu compréhensible dans la présentation qui en est donnée. Il suffit donc d’attendre la mise en place du site web prévu pour en savoir plus.  

Le projet ODYSSEA CULTURE EURO-MED  est décrit de cette manière : The partners of the project ODYSSEA CULTURES EURO-MED commit themselves developing strategic co-operation projects to organize and promote in the values and the ethics of the Council of Europe and UNESCO, the Maritime Cultural Route of the Ports & Tourist Mediterranean Territories as “Stopovers Inheritances Headlights of the Mediterranean”. A strategic project which confers a real international visibility on a whole local and regional economy of maritime and coastal tourism in the coordinated organization of a cluster: Heritage Tourism, Coastal Tourism and Yachting, Culture, Agritourism, R&D, training and environment.




Crossroads of Europe


Parmi les mesures mises en œuvre directement par la Commission Européenne, l’idée d’un salon doublé d’un colloque (ou l’inverse) organisé dans une ville où se croisent les itinéraires culturels a été mise en avant comme une avancée importante en matière de visibilité et d’aide à la complémentarité des itinéraires culturels. La Commission présente ainsi l’initiative : «Carrefours d'Europe» vise à promouvoir les itinéraires culturels européens et à faire connaître leur potentiel touristique aux parties prenantes, aux entreprises, aux voyagistes et aux autorités locales et nationales. La 1re édition a eu lieu à Pavie, en Italie, du 6 au 10 juin 2012. Comme Pavie est située au carrefour de cinq itinéraires culturels qui étaient autrefois des routes de pèlerinage, l'événement sera consacré au thème des pèlerinages, qui de tout temps ont réuni des personnes venues de toute l'Europe autour de valeurs communes. » Une carte Google présente un tracé très général des routes retenues et insiste sur certaines étapes. Il s’agit de la Via Francigena, de la Via Augustina, de l’itinéraire de Saint Martin de Tours, du Réseau européen des sites casadéens et des Sites clunisiens d’Europe.


Via Sancti Martini. Crossroads of Europe.

Le programme comprenait une partie d’exposition et de stands organisée dans le Castelo Visconteo afin de favoriser les rencontres entre opérateurs professionnels, plus qu’avec le public qui est resté purement local et de présenter des expositions et manifestations culturelles périphériques. Le cœur de la manifestation a consisté dans un ensemble de présentations et de tables-rondes dont je souhaite présenter une relation détaillée dans un post ultérieur.



Route des Villes Thermales Historiques. Crossroads of Europe.

            Les touristes venant d’autres continents : 50.000 touristes


Si le vœu principal de la Commission est de maintenir l’Europe à sa place de première destination mondiale, il faut non seulement consolider et renforcer les offres innovatrices, analyser la pertinence actuelle des offres traditionnelles et examiner comment les différents pays émetteurs continuent à se situer par rapport au continent européen. Pour ce faire, par exemple, la Commission travaille en collaboration régulière avec les gouvernements européens, l'industrie du tourisme et les compagnies aériennes pour développer le flux de touristes entre l'Amérique latine et l'Union européenne, en utilisant les sièges vacants des liaisons aériennes ainsi que la capacité de logement disponible en basse saison. L'initiative pilote "50.000 touristes" s'aligne sur un des axes de la Communication sur le Tourisme 2010 qui appelle la Commission européenne à combattre la saisonnalité, à stimuler la création d'emplois, à renforcer l'image de l'Europe et à coopérer avec les pays tiers. « La phase pilote du projet va encourager 25.000 Sud-Américains à voyager vers l'Europe entre Octobre 2012 et Mars 2013, et 25.000 Européens à voyager vers l'Amérique latine entre mai et octobre 2013. Les candidatures seront ouvertes aux résidents de tous les pays de l'Union européenne, de l'Argentine, du Brésil et du Chili ayant une motivation pour voyager basée sur des liens familiaux, des liens culturels et éducatifs, ou un intérêt pour la gastronomie et le tourisme religieux. L'initiative peut être élargie dans le futur à d'autres pays, tant en Europe qu'à travers le monde, sur base de racines communes ou de liens culturels, éducatifs et linguistiques.



Les partenaires actuels sont :
-          Les gouvernements français, espagnol, lituanien, polonais, italien, argentin, brésilien et chilien.
-          Air France, Alitalia, British Airways, Iberia, the Lufthansa Group, TAP Air Portugal

-          L'Association des Tours Opérateur Européens (ETOA) et les Associations des Agents de Voyages et des Tours Opérateurs Européens (ECTAA).

-          Le Portugal, la Roumanie, la Grèce et Malte ont également annoncé leur intérêt de participer à cette expérience pilote.

Par exemple, l'Espagne compte faciliter le voyage des personnes résidant en Argentine, au Brésil ou au Chili, âgées de plus de 60 ans et possédant la double nationalité, ainsi que des Espagnols résidant en Argentine, au Brésil ou au Chili, âgées de plus de 60 ans, et voyageant en compagnie de leur conjoints et/ou enfants argentins, brésiliens ou chiliens. Iberia travaillera à ce projet en collaboration avec le gouvernement espagnol. Les passagers de Buenos Aires et Cordoba en Argentine, de Fortaleza, Recife et Sao Paulo au Brésil et de Santiago du Chili auront la possibilité d'effectuer un vol vers Madrid, vers 35 autres destinations espagnoles et 36 villes d'Europe. Corte Inglés est la première compagnie à soutenir l'initiative "50.000 touristes".
Un grand nombre d’exemples sont fournis sur le site de la Commission, exemples qui sont régulièrement mis à jour. Nous en avons retenu deux qui s’appuient sur les relations culturelles et patrimoniales et vont de ce fait au-delà des déclarations de principe et des « memorandums of understanding ».
Ainsi la France va promouvoir cette initiative  dans le cadre de l'accord "Passion européenne" et encouragera les voyages visant à découvrir les sites spirituels et religieux français et mettant en exergue la gastronomie française. Le projet de la Lituanie impliquera les émigrants lituaniens, les membres de leurs familles, les étudiants se consacrant au tourisme, à l'histoire, à la théologie, à la gastronomie, à l'architecture et/ou la culture, les propriétaires ou employés de restaurants et membres de leurs familles coopérant avec des partenaires lituaniens, toute personne âgée de plus de 60 ans.

Labels et observatoire


Il semble aller de soi que les mesures pratiques ainsi lancées avec beaucoup de célérité ne peuvent trouver leur cohérence et surtout la mesure de leur impact qu’à deux conditions : la mise en place d’un label de qualité européen et d’un observatoire qui ne se contente pas de juxtaposer des résultats nationaux – ce que l’OCDE pratique déjà avec pertinence – mais cherche à suivre la manière dont les touristes pratiquent réellement un tourisme européen, donc transfrontalier. « À l'heure actuelle », précise la Commission, « de nombreuses initiatives publiques et privées sont prises afin de définir les principes et critères que doivent appliquer les acteurs du secteur européen du tourisme pour garantir le développement et la prestation de services touristiques de qualité au sein de l'UE. Or, ces systèmes de qualité manquent souvent de cohérence et de coordination car ils sont généralement axés sur des objectifs sectoriels ou territoriaux, sans approche européenne intégrée. Cette fragmentation constitue un obstacle potentiel à l'établissement de conditions égales pour offrir des services touristiques de qualité à travers l'Europe, ce qui risque de porter préjudice à la compétitivité du secteur européen du tourisme. »

C’est ainsi qu’une consultation restreinte a eu lieu l’an passé auprès des professionnels et des pays membres à partir de 19 questions, sur l’idée d’un label « parapluie » ou label cadre. La présentation publique était organisée le 25 janvier dernier à Bruxelles. J’en avais résumé l’atmosphère en ces termes : Les discussions qui ont eu lieu de manière très ouverte en janvier 2012, en présence des délégués des pays membres et des grandes organisations représentant les professionnels et les consommateurs, ont été passionnantes car on pouvait y écouter de manière très concrète combien les débats sur la subsidiarité en cette matière sont loin d’être clos. Des labels de qualité existent bien entendu déjà, sans parler des normes ISO et un énorme travail a été déjà réalisé en France ou en Italie. Mais la question est bien de savoir à quoi peut servir une ombrelle quand le soleil ne brille pas partout avec la même intensité.

Depuis, une consultation publique a été ouverte avec pour objectif de recueillir l'avis d'un large éventail de parties intéressées des secteurs public et privé, ainsi que de citoyens, sur une éventuelle action de l'UE dans ce domaine. Dans l’introduction qui était proposée pour cette consultation, la visée concurrentielle est très clairement exprimée : “For Europe, it could function as a competitive instrument: at a secondary level, it could contribute to improving the profile of Europe as a set of high-quality destinations through emphasising the consistent quality of its tourism product.” Il reste donc là aussi à attendre les résultats du dépouillement.

Je ne veux pas revenir ici sur le « Label du patrimoine européen » également cité dans la Communication, plus que je ne l’ai fait dans le premier post de ce blog. D’abord parce que j’ai eu l’honneur et le plaisir de participer depuis à la première réunion d’experts qui a travaillé avec la Commission européenne pour finaliser le dossier de candidature et que par conséquent je me dois à un devoir de réserve, mais surtout parce que l’appel à candidatures ne sera lancé pour un premier « round » qu’en 2013 auprès des pays qui n’avaient pas encore bénéficié du label dans sa phase expérimentale intergouvernementale.

J’insiste simplement sur le fait que ce programme communautaire vise, avec des critères de citoyenneté européenne, à indiquer aux touristes des sites, voire des espaces transfrontaliers hautement significatifs de l’histoire de l’Europe. «En plus de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union chez les citoyens européens et de stimuler le dialogue interculturel, l’action pourrait aussi contribuer à mettre en valeur le patrimoine culturel et à souligner son intérêt, à accroître le rôle du patrimoine dans le développement économique et durable des régions, en particulier à travers le tourisme culturel, à encourager les synergies entre le patrimoine culturel, d’une part, et la création et la créativité contemporaines, d’autre part, et, plus généralement, à promouvoir les valeurs démocratiques et les droits de l’homme qui sous-tendent l’intégration européenne» est-il précisé.


 Un observatoire virtuel ?


C’est la partie du plan qui reste pour le moment la plus complexe à mettre en œuvre. Les résultats d’une étude faisabilité restent annoncés pour la fin de 2012. Trois grands secteurs sont déjà proposés :
-          Une base de données statistiques destine à informer les décisionnaires dont les secteurs clefs sont en cours de test ;

-          La publication de rapports réguliers qui seraient destinés à une veille sur les points qui nécessitent des décisions rapides sur les changements structurels.

-          Une section destinée à comparer les politiques d’observation des pays membres et de réunir les exemples de bonne pratique. Une boîte à outils et un manuel seront préparés sur cette base.

Tourisme côtier


La Commission européenne avait lancé une étude sur le tourisme côtier, au même titre que sur le tourisme rural et le tourisme de montagne à la fin des années 90. Cette question prend de nouveau une grande actualité à la demande du Parlement européen et dans le cadre de la DirectionGénérale affaires maritimes et pêche. Une consultation publique vient là aussi de se terminer. Son extension à la Méditerranée est devenue cruciale en fonction de l’intensité des mouvements politiques et sociaux qui affectent cette zone géopolitique liée à l’Europe. Il s’agit là clairement d’une priorité politique mise en avant par le Parlement européen et pris en compte à la fois par plusieurs Directions générales de la Commission Européenne.





Revenir aux textes


J’ai toujours l’habitude de revenir aux textes. Les dernières lignes de la Communication sont les suivantes : « La politique européenne du tourisme a besoin d’un nouvel élan. Confrontée à des défis qui demandent des réponses concrètes et des efforts d’adaptation, les acteurs de l’industrie du tourisme européen doivent pouvoir joindre leurs efforts et travailler dans un cadre politique consolidé qui prenne en considération les nouvelles priorités de l’UE. Tenant compte des nouvelles compétences de l’Union européenne en matière de tourisme, la présente communication définit un cadre ambitieux pour faire du tourisme européen une industrie compétitive, moderne, durable et responsable. »

Les deux première années qui suivent cette publication ont ainsi vu se définir un cadre de travail dans lequel différentes mouvances traditionnelles, celle des représentants économiques des grands secteurs du tourisme, des lobbys syndicaux et de la société civile et les experts qui se sont implantés à la Commission depuis le début des années 90 se sont vu confrontés à une nouvelle génération d’experts pour lesquels la connaissance des nouvelles technologies et la prise de conscience des menaces climatiques ont totalement changé les points de vue et à un ensemble d’opérateurs – je pense tout particulièrement à ceux qui ont en charge le tourisme transfrontalier et les itinéraires culturels européens – pour qui les projets de coopération culturelle ne peuvent comporter de volet touristique que si – et seulement si – la dimension sociale et citoyenne est non seulement conservée, mais encore plus, rendue exemplaire d’un changement de comportement vis-à-vis de la planète et de ses habitants.

Non seulement ils ne se contenteront pas de vœux pieux, mais, leur nombre allant croissant, ils demanderont une transformation radicale de l’élan touristique de masse issus de l’après-guerre vers une exigence à ce que les aides de la Commission européenne s’adressent aux initiatives qui ont diffusé sur tous les territoires et ont enraciné un tourisme qui revient aux origines des congés payés, quand le véritable élan était celui d’un partage des richesses.

Je suis certain que le choc entre les deux mondes et les deux attitudes ne fait que commencer. Une relecture de l'histoire du tourisme et des trois vagues que j'ai évoquées, me semble plus que jamais nécessaire.



Elisée Reclus, promeneur littéraire, géographe et poète, banni de France de 1872 à 1890 en raison de sa participation à la Commune de Paris, a travaillé dans l’équipe de rédaction des Guides Joanne, ancêtres des Guides Bleus de la maison Hachette dès le milieu du XIXe siècle. En 1859 il écrit à sa mère : « J’ai plus vécu pendant une heure d’admiration devant les rochers et les neiges de la Jungfrau que pendant de longues semaines à Paris ou à Sainte-Foy »

Joël Cornuault, le préfacier des deux petits livres qui ont été republiés récemment « Histoire d’un montagne » et « Histoire d’un ruisseau » écrit : « la nature comme vrai temple…Ces mots que l’on connaît de Baudelaire, il faut leur rendre tout leur poids lorsqu’on se tourne vers Reclus. Il appartenait de par son milieu familial à une lignée de penseurs de culture réformée pour qui (de Bernard Palissy à Théodore Monod, en passant par Rousseau et, aux Etats-Unis, Emerson et Thoreau, Ruskin en Angleterre), le monde, création d’origine divine, est le modèle que l’homme doit approcher, sinon imiter, dans ses œuvres…Il aimait la marche, la nage, la vie animale, les arbres, les grands phénomènes cosmiques, la science désintéressée, l’amitié et la camaraderie philosophique…Il détestait et le faisait savoir dans ses écrits, articles ou pamphlets : l’injustice, la propriété privée, la violence, toute forme de clergé, la volonté de puissance et le saccage de la planète, lieu de beauté et de liberté, espace « non asservi », il nous le redit au seuil de son Histoire d’une montagne. »



Ouvrages cités :

Comme pour les posts précédents, une série d’hyperliens permettent de consulter directement certains textes cités. On peut également se reporter aux bibliographies indicatives des posts précédents.


Reclus Elisée. Histoire d’un ruisseau. Infolio. Collection Archigraphy Poche. 2010.
Reclus Elisée. Histoire d’une montagne. Infolio. Collection Archigraphy Poche. 2011.

Van Middelaar Luuk. Le passage de l’Europe. Histoire d’un commencement. NRF. Gallimard. 2012.


Point de vue personnel :


L’été qui suit la création de la Communauté du Charbon et de l’Acier, je visite la Côte d’Azur sur le porte-bagages d’un Solex avec mes parents, heureux d’en revenir bronzé, d’après ce qu’on m’a dit. Ils se sont rendus sur la Côte en train et ont emmené les Solex avec eux et ont trouvé un petit logement chez l’habitant. Je passe les étés qui précèdent la signature des Traités de Rome sur des plages bretonne en séjournant dans des hôtels très familiaux. En1958, mes parents m’emmènent passer deux semaines de vacances dans une pension de famille près d’Evian juste avant mon entrée au lycée. J’y reviendrai régulièrement les années qui suivent, à l’issue de voyages en Europe.
Pour ne pas être en reste avec ces deux premières étapes de mes souvenirs de vacances, je me dois à la mémoire de mes parents de les remercier d’avoir su s’appuyer sur l’augmentation régulière du temps de vacances, de 1958 à 1968 pour me faire parcourir l’Europe chaque été en train et en autocar – ils n’ont jamais eu de voiture - et donc de me faire prendre conscience d’une histoire vivante du continent et de la variété de son patrimoine, au moins pour sa partie occidentale.
C’est l’année du Traité de Maastricht que j’ai rejoint le Conseil de l’Europe pour commencer à participer au sein d’une Institution européenne à la continuité d’un programme dont le volet touristique s’est renforcé au cours du temps, programme auquel j’avais collaboré comme expert depuis 1986. Je suis devenu aujourd’hui un touriste de la catégorie des seniors actifs et je n’ai pas eu besoin de montrer la voie à mes propres enfants. Ils ont pris tous seuls les chemins d’une connaissance européenne d’Est et d’Ouest. La plus jeune a su utiliser les possibilités que le programme Erasmus lui a offertes.