vendredi 30 mars 2012

Focus sur le Luxembourg


Ce n’est certainement pas sans raison qu’un ensemble de ministères et de partenaires financiers du Grand-Duché de Luxembourg ont senti la nécessité d’organiser fin février une table-ronde intitulée : « Le Luxembourg vu de l’étranger ». Qu’on en juge. Il s’agissait du ministère des Affaires étrangères, du ministère des Classes moyennes et du Tourisme, du ministère de la Culture, du ministère de l'Economie et du Commerce extérieur, du Service Information et presse du gouvernement, ainsi que de Luxembourg for Business et Luxembourg for Finance.


L’heure est-elle si grave ? De fait, cette table-ronde fait partie des quatre actualités principales qui figurent sur la page d’accueil du ministère de l'économie (Département du tourisme) qui avait déjà commandé il y a deux années des films pour dénoncer avec humour les visions caricaturales concernant le Luxembourg. Par ailleurs le magazine le plus branché business du Luxembourg, « Paperjam » annonçait l’événement en ces termes : « La devise luxembourgeoise « mir wëlle bleiwe wat mir sinn » (nous voulons rester ce que nous sommes) prend du plomb dans l’aile. » tandis qu’un des participants, censé jouer les trouble-fêtes, l’artiste Serge Tonnar déclarait : « En tant que Luxembourgeois, nous voulons rester ce que nous sommes, mais en fait nous ne savons pas ce que nous sommes! ».


Plateau du Kirchberg

Les réactions recueilles ou sollicitées provenaient à la fois du Nation Brands Index (NBI) auquel le Luxembourg a participé pour la première fois en 2011 et d’autre part, d’une enquête qui a ciblé deux milliers de personnes, dont plusieurs centaines ont répondu, si on en croit les organisateurs. On retrouve bien évidemment deux pôles dans les réactions intra-européennes : « Paradis fiscal » et « Pays de paysans », ce qui peut se traduire également si on veut être positif par : pays sûr et accueillant et pays protégeant la nature, ce qui expliquerait les réactions positives des touristes chinois que j’évoquais le 13 mars. Mais le Grand-Duché semble avoir bien du mal à se défaire de ces vieux clichés auprès du reste de l'Europe et comme le remarque le site news 3/5/2 en enfonçant le clou : « au-delà de l’Europe, la question ne se pose pas car le pays y est presque inconnu. »

Cette question du branding qui préoccupe tellement le monde du tourisme européen, à un moment crucial de réflexion sur une marque Europe et de réflexion parallèle sur un Label européen de qualité touristique, doit bien entendu concerner chaque pays européen pris séparément, mais aussi l’ensemble des pays européens pris collectivement. Qu’est-ce en effet que la valeur européenne et l’originalité des sites européens, double question à laquelle le nouveau Label du patrimoine européen devrait pouvoir répondre ? Qu’est-ce que la Commission Européenne peut élaborer à un niveau supérieur en termes de norme de qualité dont le Label touristique puisse « abriter » des normes nationales déjà existantes dont certaines s’accompagnent de récompenses ?



Les best agers

Mais revenons au Luxembourg. Chaque année, le Salon Vakanz se propose comme une avant-première parmi les salons européens du tourisme. Il est certes plus modeste dans ses ambitions que Berlin, Madrid ou Milan, mais joue en effet un rôle tout à fait pertinent dans une zone de chalandise transfrontalière, entre monde francophone et monde germanophone. Que précisait le communiqué du salon 2012 ? « Dans la continuité des dernières années, la promotion touristique reste d'actualité et se focalise de nouveau sur un sujet phare. Après la gastronomie en 2010 et le tourisme actif en 2011, la promotion touristique de l’année 2012 cible une clientèle spécifique: les « best agers ». » Je dois me sentir concerné à plus d’un titre. D’abord parce que j’ai dépassé les cinquante ans, voire un peu plus, mais aussi parce que j’ai eu le privilège d’être un touriste permanent dans de pays, pendant les quinze années exactement situées dans la tranche d’âge visée, tranche dans laquelle j’espère rester encore quelque temps avant de devenir un worst agers. Il faut cependant préciser que cette cible « à pouvoir d’achat élevé » n’est pas recherchée qu’au Luxembourg, mais dans toute l’Europe puisque : « Ils réunissent plus de 50% du patrimoine total en Allemagne et concentrent plus de 40% du pouvoir d’achat total dans l’Union européenne. » Dans les résultats des études, on ajoute que « …les voyages des européens de 55+ ont augmenté de 17% entre 2005 et 2010. La part de marché de cette classe d’âge correspond à 27% de tous les séjours à l’étranger en 2010, ce qui représente 78 millions de voyages (séjours d’affaires non compris). La nature, l’offre culturelle, le patrimoine historique, le bien-être / wellness, la détente, la gastronomie, les produits régionaux et les randonnées pédestres ou cyclistes sont les principaux motifs de voyage de cette clientèle. D’une manière générale on peut regrouper ses intérêts sous le motif "savoir-vivre". »

Une grande part de la clientèle du tourisme culturel transfrontalier, donc !


Quartier du Grund

Mais comment le Grand-Duché peut-il, compte tenu d’une image restée caricaturale, attirer les trois infra-catégories définies un peu comme des sociostyles ? : Les "hédonistes" ou "bons vivants", qui favorisent le confort (voire le luxe), la gastronomie de qualité, la détente et le bien-être. Ils aiment profiter de la vie et passer du temps avec leur famille ou leurs amis. En général, ils dépensent un budget considérable. Les voyageurs "enthousiastes", qui sont très actifs, entreprennent beaucoup d’activités lors des séjours et sont à la recherche de découvertes et d’expériences enrichissantes. Les "explorateurs culturels", qui préfèrent les visites de musées, les sites culturels, le patrimoine historique et les événements culturels. Ils cultivent un style de vie plutôt élitaire, ont soif de culture et sont particulièrement critiques et exigeants.


Vélo au Mullerthal

Les réponses à cette demande potentielle devraient logiquement se trouver dans le magazine "Best of Luxembourg - spécial bestagers", qui est téléchargeable sur le site du Ministère de la Culture en version française, allemande et néerlandaise. Les trois catégories visées ci-dessus y trouvent en effet des réponses, mais je me suis bien entendu rendu au plus vite sur le chapitre « L’Europe fait partie de l’identité luxembourgeoise ». Le texte, rédigé par Robert Louis Philippart, Directeur de l’Office National du tourisme et brillant historien ne laisse rien à redire. On rêverait même que d’autres pays européens pratiquent la même approche multiculturelle. En quelques mots : « Si la forteresse de Luxembourg est aujourd’hui patrimoine mondial de l’UNESCO, cette œuvre monumentale du génie militaire rappelle aussi la cohabitation de la population locale avec des garnisons étrangères, et ce depuis 1443, quand le Luxembourg a perdu l’indépendance dont il jouissait au Moyen-Âge et a été annexé par la Bourgogne. Les Français, les Espagnols, les Autrichiens et les Prussiens ont occupé à tour de rôle les murs de la forteresse. La cohabitation de plusieurs nations a donc une longue tradition au Luxembourg. En tant que partie des Pays-Bas espagnols et autrichiens ou en tant que Département des Forêts français, le Luxembourg a appris à se développer au sein d’une communauté plus grande. Au plan spirituel aussi, l’ancien Duché de Luxembourg, devenu Grand-Duché en 1815, était divisé en 4 évêchés, ce qui explique la grande diversité culturelle du patrimoine religieux. Ce n’est qu’en 1870 que le Luxembourg est devenu un évêché indépendant et en 1988 un archevêché. »

Le site de l’OfficeNational du tourisme est d’ailleurs à même de fournir tous les renseignements touristiques et culturels nécessaires. Pour ceux qui veulent en savoir plus, le site des itinéraires culturels du Conseil de l'Europe (spécificités des partenaires de la Grande Région) est aussi disponible.

Mais je peux me permettre d’y ajouter une partie des plaisirs que j’ai trouvés pendant toutes ces années de compagnonnage luxembourgeois. Il m’est d'ailleurs facile de faire appel à quelques posts écrits depuis 2006 où je me suis résolu en effet à écrire régulièrement sur le net.


Emaischen

Dialogues d'exilés

Lorsque l’on vit de manière permanente au Grand-Duché et de surcroit dans un village historique comme Echternach qui fait partie d’une des zones touristiques les plus traditionnelles, le Mullerthal, ou encore la « Petite Suisse luxembourgeoise », on peut très légitimement se sentir privilégié. Le nombre de ballades au travers des sentiers en sous-bois, là où affleurent les sources, est infini, que ce soit à pieds ou en vélo. Un Mill-Man-Trail y est d’ailleurs organisé le 22 avril prochain et les premières Europiades auront lieu du 7 au 9 septembre. Chaque année la procession dansante en l’honneur de Saint Willibrord constitue un moment émouvant qui, s’il elle est enfin inscrite sur la Liste du patrimoine mondial immatériel, reste encore conviviale et authentique. Pour ne pas parler du Festival de musique qui m’a valu de réels moments de bonheur.



Au fond, c’est en effet à pieds ou en vélo que je me suis senti comme un touriste heureux : sur les plateaux où autrefois passait le petit train nommé familièrement le Charly, plongé dans la verdure le long de la Sûre, dans les vignobles de la Moselle, dans la région des sept châteaux, sur les sentiers culturels de la capitale le jour de l’Emaischen, le lundi de Pâques, ou encore à Wiltz du côté de Michel Rodange et de son Roman de Renard luxembourgeois, mais aussi dans les rues de Dudelange quand je venais visiter les expositions toujours stimulantes du Centre de documentation sur les migrations humaines ou essayer à Esch-sur-Alzette de découvrir le patrimoine industriel, les Terres Rouges et le légendaire des Italiens.


Procession dansante

Alors le Luxembourg, pays protégé, pays vert, pays rural ? Certes ! «Aujourd'hui dans son paysage splendide que viendra visiter toute l'Europe, Vianden se compose de deux choses également consolantes et magnifiques, l'une sinistre, une ruine, l'autre riante, un peuple.» a écrit Victor Hugo, exilé un moment loin de la France. Que peut-on dire de plus ? Qu'il ne faut plus traverser le Luxembourg seuilement pour y acheter de l'essence.


Vignobles de la Moselle

mardi 13 mars 2012

Europe-les-Bains ?





J’avoue que j’ai découvert cet ouvrage complètement par hasard au détour d’une recherche sur internet. Un blogueur, ancien élève de ce professeur de russe nommé Michail Maiatsky, a fait début 2012 un compte-rendu de l’ouvrage paru en 2007 et justement intitulé Europe-les-Bains (Editions Michalon). Je le cite : «Philosophe d'origine russe, l'auteur frappe en effet là où on ne l'attend pas, en défendant, au fil de chroniques caustiques, un projet européen pour le moins audacieux. Quel projet? Transformer l'Europe fatiguée que nous connaissons en un vaste parc balnéo-culturel - la capitale mondiale du tourisme


Le destin du touriste

J’ai été bien sûr intrigué. D’abord parce que c’est le second ouvrage de création que je lis, qui prend le tourisme comme lieu de mise en scène ludique de la mémoire. Le premier étant « Le destin du touriste » de Rui Zink (Editions Métailié, 2011) où l’auteur dénonce avec un humour noir décapant le tourisme des voyeurs dans les pays en guerre.

Mais j’ai surtout été séduit en raison du fait que j’ai moi-même répondu plusieurs fois par une boutade mi-figue, mi-raisin à ceux qui, après une conférence sur les itinéraires culturels, m’interrogeaient sur l’avenir du tourisme en Europe. «Etant donnée la désindustrialisation de l’Europe et le réservoir de touristes que constituent la Chine et l’Inde, je suis à peu près certain que dans moins de cinquante ans l’Europe sera devenue un parc d’attraction de haut niveau où les habitants des pays à fort pouvoir économique viendront se détendre et apprécier le patrimoine matériel qui sera superbement mis en scène et fera l’objet de parcours collectifs de tourisme lent, tandis qu’ils pourront déguster le patrimoine immatériel qui aura fait l’objet d’une valorisation attentive de la part de slow food.»


Melencolia d'Albrecht Dürer

Un nouveau Grand Tour ?

J’ai peur que cette prévision n’ait rien d’une utopie. Qu'écrit Michail Maiatsky ? «L’Europe, et la France au premier chef, est en train de devenir un lieu de villégiature quatre-étoiles. Plus d’usines, plus d’industrie, plus d’ouvriers, plus de travail mais de plus en plus de gens pressés quand même, et surtout des touristes de toute nationalité qui énervent bougrement les autochtones. Des musées bondés où l’on admire des tableaux sur la « mélancolie ». Une civilisation en plein spleen, qui ne se remet pas de sa grandeur passée et se lamente sur les petits Chinois, où les politiques ont perdus le Nord, où l’on ne sait plus comment s’y prendre avec les « jeunes », mais où les petits vieux sont presque majoritaires - donnant tout son sens à l’expression « cette bonne vieille Europe » - bref, où tout commence à sentir le roussi. Mais au lieu de vivre ce tournant en faisant l’autruche, mieux vaut l’assumer. Si c’est, assurément, la fin d’un chapitre, ce n’est pas pour autant la fin du monde. Quelles sont les perspectives dans ce nouveau parc balnéo-culturel ? Devenu oisif par choix ou par contrainte, l’Européen pourra servir de guide aux visiteurs, mais surtout aura enfin du temps pour prendre soin de lui, pour jouir pleinement de ses désarrois et des aléas de son destin.»



C’est dit !

Le 16 décembre 2010 The Economist titrait : "A new Grand Tour. China’s tourists are carving out a new European itinerary, with some unexpected stops”. On peut y lire que l’Europe est le continent qui arrive en tête des sondages quant aux destinations qui font rêver les Chinois de la classe moyenne et parmi les lieux qui reviennent le plus souvent ils citent la Tour Eiffel, le Louvre et le Grand Canal à Venise. Bizarrement, ils sont également attirés par des destinations que les Européens eux-mêmes auraient du mal à situer sur une carte comme le Luxembourg, Trèves, Metzingen, Vérone ou le mont Titlis (Les Alpes suisses). Le Tour d’Europe des touristes chinois commencera de toute évidence en France, pays considéré comme celui qui offre l’essentiel de toutes les vertus européennes, c’est à dire une riche Histoire, le romantisme, le luxe et la qualité. 

C’est dit également ! Et que le Luxembourg pardonne The Economist qui souligne : "In Luxembourg the Chinese tourists pause just long enough to photograph the palace of its reigning grand duke. This pocket-sized country, with a population 3,000 times smaller than China’s, is admired for its national wealth per person (the highest in the world by some measures). It also allows Chinese tour groups to knock off another country with minimal effort, allowing for extra boasting back home”.

lundi 12 mars 2012

Tourism to become economic driver in 2012


The European Commission opens year 2012 on very optimistic news. The tendency that emerged in previous years seems to become a trend. 72% of EU citizens travelled in 2011, and more than 80% said that they would do so in 2012, choosing to go either on short trips or longer holidays. The Eurobarometer revealed also that in 2011 more citizens chose to stay in Europe for their holidays; many more have said they will do so in 2012. These are the results of the new Eurobarometer survey on the attitudes of Europeans towards tourism, which also sheds light on the preferences and travel patterns of EU citizens (30,000 randomly selected citizens aged 15 and over were interviewed in January 2012 in the 27 EU Member States as well as in Norway, Iceland, Croatia, Turkey and the Former Yugoslav Republic of Macedonia, Serbia and Israel.)




European Commission Vice-President Antonio Tajani, Commissioner for Industry and Entrepreneurship, said: "Our continent's cultural and natural richness, and long-standing traditions of hospitality, are still close to the hearts of Europeans. The European Tourism sector has performed well, and it even grew in 2011.”

 Which trends ?

The complete records are on the European Commission website, but some are really specific:

The majority of EU-residents are confident travellers, who prefer arranging their holidays by themselves: 53% of Europeans booked their holidays via internet. As informed and empowered consumers, 49% of those who went on holiday in 2011 organised the various elements of their trip separately, rather than booking them altogether in one package. But they still rely on recommendations from family and friends about where to go. "Word of mouth" was relevant to 52% of EU travellers, more than internet websites (40%).

Travelling is done mostly by car and motorbike. Those who travelled in 2011 preferred to travel by these means of transport (78%), much more than in 2010 (44%). However, 2011 also recorded a slight increase in the use of aeroplanes compared to 2010 (46% compared to 39%).

Nights are spent mostly in hotels or rented accommodation: European travellers chose to stay in paid-for accommodations, regardless of the length of their holidays (this applied to 54% of those who went on short trips and 60% of those who spent at least four nights away).

European travellers seek rest and recreation: 48% of those who went on holidays in 2011 had this objective in mind, more than in 2010 (36%), followed by "sun and beach" and "visiting family and friends" (28%).

They value natural beauty and quality service: more than 50% of EU residents would go back to the same place, for its natural features. More than 90% of EU respondents were satisfied with their choice of destination and with the quality of the accommodation.

72% of Europeans travelled in 2011: the proportion of EU citizens who went away last year (72%) remained substantially unchanged compared to last year’s survey. European travellers preferred their own country (Greece 80%, Italy 74%, Croatia 73%), or another country in the EU. Spain was the most visited country in 2011 (11%), followed by Italy (9%), France (8%), Germany (5%), Austria (5%) and Greece (4%).


Europeans will travel in 2012: 73% of the respondents will not give up to their holidays despite the crisis, although 33% have had to change their original plans. 41% of respondents who will travel in 2012 are planning longer holidays (between 4 and 13 nights), rather than short–stay trips (27%). Preference will be given again to their own country (52%) or to another country in the EU (37%). Preferred destinations in 2012 will be Spain (10%), Italy (7%), France (6%), Greece (4%), Austria, United Kingdom and Germany (3%).

At the end the surprise is not coming from the priority that is given to vacation by Europeans and the importance of tourism as an engine for economy despite the crisis, but that tourists seem to have no innovative behavior and stay in the same tracks than at the end of last century. What about cultural tourism, slow tourism, green tourism? We certainly have to wait a future survey to go in depth in this new habits. 

Le tourisme en Europe moteur économique


La Commission européenne ouvre l’année sur une note super optimiste. Il semble bien que la tendance constatée ces dernières années se confirme : le tourisme reste un des premiers moteurs économiques européens. A preuve : si 72% des citoyens européens ont voyagé en 2011, plus de 80% déclarent en avoir l’intention en 2012 que ce soit pour des courts ou longs séjours de vacances. Et de plus ils sont encore plus nombreux à vouloir rester en Europe. Il s’agit là des résultats de l’étude Eurobarometer sur le comportement des Européens vis-à-vis du tourisme qui jette aussi la lumière sur leurs préférences et les modes de déplacement. L’étude a porté sur 30.000 personnes choisies au hasard et âgées de plus de 15 ans, interrogés en janvier 2012 dans les 27 pays de l’Union Européenne, ainsi qu’en Norvège, Islande, Croatie, Turquie, l’ex république yougoslave de Macédoine, la Serbie et Israël.




Le Vice-Président de la Commission Européenne, Antonio Tajani, Commissaire à l’Industrie et à l’Entreprenariat déclare : «Les richesses culturelles et naturelles de notre continent, ainsi qu’une longue tradition d’accueil et d’hospitalité font encore partie des habitudes les plus ancrées chez les Européens. Le tourisme a été performant en 2011, il le sera encore plus en 2012.»


Les tendances

Quelles sont de fait ces tendances ?

On peut les consulter de manière complète sur le site de la Commission, mais j’ai sélectionné celles qui me semblaient les plus spécifiques :

Les touristes européens sont des indépendants qui préfèrent organiser leurs déplacements eux-mêmes et font confiance à l’internet (53%). Ils étaient 49% en 2011 à composer leurs vacances comme un patchwork plutôt que de commander un paquet organisé.

Le bouche à oreille, en particulier familial, est cependant plus important (52%) que l’internet (40%) dans les motivations du choix des destinations.

78% d’entre eux restent fidèles à la voiture ou à la moto et restent également fidèles aux hôtels traditionnels et aux locations.

48% des touristes recherchent le repos et la détente, ce qui est plus qu’en 2010 (36%), suivi par « soleil et plage » et « visite de la famille ou des amis » (28%).  


Ils apprécient la beauté de la nature et la qualité des services et 50% d’entre eux choisissent la même destination en raison de ses éléments naturels. 90% d’entre eux étaient d’ailleurs satisfaits de leur choix en termes d’accueil ce qui semble remarquable.  

Les Européens préfèrent voyager dans leur propre pays (Grèce 80%, Italie 74%, Croatie 73%), ou dans un autre pays de l’Union Européenne. L’Espagne a été le pays le plus visité en 2011 (11%), suivi par l’Italie (9%), la France (8%), l’Allemagne (5%), l’Autriche (5%) et la Grèce (4%).

Les Européens continueront à voyager en 2012. 73% ne repousseront pas leurs vacances en raison de la crise, mais 33% adapteront leurs prévisions. Toutefois 41% envisagent des vacances longues (entre 4 et 13 nuits) plutôt que des séjours courts (27%). Pour 2012 les destinations préférées sont : l’Espagne (10%), l’Italie (7%), la France (6%), la Grèce (4%), l’Autriche, le Royaume Uni et l’Allemagne (3%).

Au fond, la surprise en ce qui me concerne est certainement que si les dépenses pour le tourisme européen restent privilégiées dans le budget des ménages et dans les préférences de loisirs, si la Destination Europe reste privilégiée, par contre le comportement des touristes reste très traditionnel et en relation avec des fondamentaux de la fin du siècle précédent. Quid du tourisme culturel, du tourisme naturel, du tourisme lent ? Il faudra sans doute une seconde étude pour entrer dans les détails.

mercredi 7 mars 2012

Tourisme et Patrimoine Commun. Tourism and Mutual Heritage


Patrimoine récent et tourisme. Recent Heritage and Tourism


 

Petit manuel ou document essentiel ?


 

Il y a quelques semaines, un mail est arrivé de la part d’Alessia Mariotti. Il signalait la parution d’un  «petit manuel divulgatif » sur la mise en tourisme du patrimoine récent auquel elle a travaillé entre autres avec Rachele Borghi et Nazly Safarzadeh dans le cadre du projet euroméditerranéen « Mutual Heritage ». Il comportait un lien pour télécharger le document en question. En fait de « petit manuel divulgatif », il s’agit plutôt d’un ensemble de textes bilingues français – anglais tout à fait passionnants, accompagnés d’illustrations qui répondent à toute une série de questions qui, bien sûr font face à des concepts intrinsèques au projet européen transfrontalier : qu’est-ce qui est vraiment « récent » dans des civilisations différentes, des contextes urbains différents et que veut réellement dire la notion de patrimoine du XX du siècle ?


Mais une très grande partie de ce que je nommerais plutôt un dossier propose de fait des tentatives de réponses à des questions fréquemment posées sur le tourisme culturel, ses composantes, sa réalité, son ampleur, ses cibles et son impact économique. Les missions de l’Institut Européen des Itinéraires culturels y sont entre autres présentées.


Bord de mer, port de Gênes

Quel type de tourisme ?

On lira avec grand intérêt la partie qui traite des différences et des complémentarités entre tourisme culturel, tourisme patrimonial et tourisme durable. Je me contenterais d’une citation qui démontre que les définitions sont souvent plus exclusives qu’inclusives : « S’il est très difficile de donner une définition univoque du tourisme, il est encore plus compliqué de donner une définition de tourisme culturel. Cela a beaucoup évolué au cours des trente dernières années en passant de l’idée que tourisme et culture étaient des composantes des destinations, largement distinctes l’une de l’autre (OECD 2009, p. 22) à la vision actuelle où la relation entre tourisme et culture devient stratégique dans la compétitivité des destinations. » Et en ce sens je ne peux que recommander la lecture immédiate de toute cette partie qui encourage les éclaircissements, comme celle de sa bibliographie et de son glossaire.

On ne sera pas étonné que les Villes Ports, les paysages industriels, les reconversions des activités minières, la réutilisation de lignes de chemin de fer, soient au cœur des exemples de bonnes pratiques, que ce soit au Havre (avec les architectures d’Auguste Perret), à Gênes sur le front de mer ou à Casablanca, ou encore dans les minières de Sardaigne. Les interviews recueillies sont passionnantes. Mais on ne négligera pas la partie qui concerne Amsterdam pris comme exemple pertinent pour des étudiants cherchant l’importance d’une nouvelle composante, celle de  « la vie quotidienne » dans un contexte multiculturel comme nouveau facteur d’intérêt pour le public touristique ou bien encore la mise en lumière de la Tour d’Amiens d’Auguste Perret qui a attisé des discussions polémiques auprès des habitants. Tous ceux qui apprécient Perpignan et se sont promenés dans le quartier Saint Jacques où des populations gitanes se sont sédentarisées, liront aussi avec grand intérêt l’expérience du « Jeu de la Gallina / El Joc de la Gallina »


Ville de Perpignan


Alessia MARIOTTI est enseignante chercheuse en Géographie économique à la Faculté d’Economie siège de Rimini de l’Université de Bologne. Ses thèmes de recherche sont la mise en tourisme durable du patrimoine culturel, la culture pour le développement local, les plans de gestion et les indicateurs de monitorage pour les sites du patrimoine de l’humanité. Elle a été consultante pour des organismes internationaux (UNESCO, Banque Mondiale, Commission Européenne), pour des collectivités locales et centres de recherche sur les thèmes du tourisme culturel et du développement local. Elle est membre du réseau UNESCO/UNITWIN « Culture, tourisme développement ». Elle enseigne la Géographie du Tourisme à la Faculté d’Economie, siège de Rimini, Université de Bologne, ainsi que dans d’autres universités.

Alessia Mariotti

Geografia economico-politica. Università di Bologna. Facoltà di Economia - Rimini Campus
Via Angherà 22 - 47900 Rimini - Italy
Cell. 0039.348.2435556     
Skype: alessia_mariotti



Short Manual or key document?

Some days ago, a mail arrived from Alessia Mariotti.  It emphasized the new issue of a “short manual” on the tourism process of recent heritage on which she worked with, among others Rachele Borghi and Nazly Safarzadeh in the frame of a euromediterranean project named «Mutual Heritage». It is possible to download the whole content of this document which is published entirely in french and english languages.

In our opinion it is not only a manual, but a sum of very interesting illustrated texts which answer a series of questions obviously linked to the concepts involved in this transborder project like: what is exactly a recent heritage in the context of various and different civilisations, various and different urban contexts and what means exactly a XXth century heritage? But a lot of pages are devoted to very keen attempts to reach answers to FAQ on cultural tourism, its components, its reality, its wideness, its targets and its economic impact. The missions of the European Institute of cultural routes are presented, among other institutions.


Genova waterfront

What kind of tourism?

The exploration of the so-called differences and complementarities between cultural, heritage and sustainable forms of tourism deserves an in-depth reading. I will only quote a short fragment of the text: “It is even more difficult to define cultural tourism than to define tourism. The concept of cultural tourism has developed mainly over the past 30 years springing from the idea that tourism and culture were the components of a destination and are distinct from one another (OECD 2009, p. 22). Now, however, the relation between these two terms has become a strategic issue in the competition of tourist destinations.” I can only recommend the immediate exploration of this attempt to put light on wordings, as well as the bibliography and glossary.

No surprise that Cities Harbors, industrial landscapes, reconversion of mining activities, even the new uses of railways, are key issues for the study of good practices, in Le Havre (with Auguste Perret’s architectures), in Genova on the water front or in Casablanca, as well as in the mines of Sardinia. The interviews are really fascinating. But I insist on the idea of the exploration of Amsterdan by students who search the growing importance of the discovering of “everyday life” in a multicultural context by tourists, as a trendy attitude. The polemics that occurred about the lightening of Auguste Perret’s Tower in  Amiens or the implementation of a game named “Jeu de la Gallina / El Joc de la Gallina” in Saint James quarter in Perpignan where gypsies are now permanently installed, are also of great interest.


City of Perpignan


Alessia MARIOTTI is assistant professor in Economic Geography at the Faculty of Economics – Bologna University, Rimini Campus. Her research topics include cultural heritage, culture and social identity, industrial clusters and cultural resources for local sustainable tourism development. She collaborated with international organisations (UNESCO, World Bank, European Commission, etc.), European research centres and Universities on cultural tourism projects for local development. She is a member of the UNESCO/UNITWIN Network “Culture, Tourism, Development”. She teaches Tourism Geography at the Faculty of Economics - Rimini campus as well as in other Universities.

Alessia Mariotti

Geografia economico-politica. Università di Bologna. Facoltà di Economia - Rimini Campus
Via Angherà 22 - 47900 Rimini - Italy
Cell. 0039.348.2435556     
Skype: alessia_mariotti

samedi 3 mars 2012

Focus sur l’Allemagne


Dans le nouveau contexte où les pays européens membres de l’Union Européenne vont devoir collaborer, on se demande parfois quelle est la politique spécifique qui est encore menée aujourd’hui par chacun d’entre eux. C’est la raison pour laquelle il me semble intéressant de prendre les pays les uns après les autres, en s’appuyant sur des actualités  qui possèdent un sens symbolique ou montrent en tout cas des évolutions frappantes.




Des salons aux offres nationales

Les professionnels du tourisme européen vont se retrouver à l’ITB de Berlin du 7 au 11 mars prochain. Mais en même temps, il ne s’agit pas que d’un rendez-vous pour les professionnels. Les deux dernières journées sont ouvertes à tous. Compte tenu des enjeux industriels, on ne peut pas s’attendre à ce que la page d’accueil cherche à mettre en avant des messages pointus. Le soleil, les îles, le surf, les déserts, les pyramides et les minarets, les temples grecs et les ruines romaines constituent les coiffures à la mode. Une mode qui date quand même de plusieurs années. On y attend 170.000 visiteurs. Tout un monde, autrement dit où, sans repères et sans soutien une offre pointue disparaît, encore plus qu’à Madrid ou Milan.

Travel & Tourism accounts for 258 million jobs globally. At US$6 trillion (9.1% of GDP) the sector is a key driver for investment and economic growth and at a global level. It is larger than the automotive industry at 8% GDP, and just smaller than banking at 11%. Our key challenge in the industry is to stimulate jobs and investment, eliminating barriers to travel such as visa restrictions, taxation, and outmoded infrastructure systems. I am confident that these issues will be addressed at Europe’s premier travel trade fair - ITB Berlin. It is the key place to learn about new trends, market developments, and to deepen existing business relations”, affirme d’emblée David Scowsill, President & CEO, World Travel & Tourism Council. C’est en effet une réalité prégnante face à laquelle se sont développées des actions de conseil et des séminaires en ligne. Tout un business, autrement dit.




Toutefois, à côté des grands marchés de l’exotisme et de la croisière, du b to b et du tourisme de congrès, il reste des niches pour le tourisme culturel. Le discours n’est certes pas très élaboré et même assez convenu mais l’espace existe :

 “For a growing number of people culture represents a main motivation for their holiday decision. Therefore, cities and regions increasingly use the possibility to highlight their cultural offers to draw tourists also during low season to their destinations. Cultural tourism plays a decisive role to increase the touristic capacity utilisation. ITB Berlin is also taking this topic into account. Therefore, national as well as international exhibitors present their services and products of this particular segment to the public and trade visitors in hall 10.2.” 

Par ailleurs l’écologie et les exigences environnementales ont fait plus que percer. Elles constituent une nécessité incontournable. Segment réel du marché, ou simple affichage ?  : “ECOtourism stands for a touristic reorientation. It centers travel products which make a contribution to the protection of the environment and to the well-being of the guest population. Qualitative high-value journeys which allow sensual nature experiences and a personal insight into the culture of the guest country. ECOtourism offers an international panel and an advertising platform for products, offers, and concepts that target a sustainable development in tourism.




Mais revenons à la destination allemande. Le moins que l’on puisse dire est que l’état fédéral est optimiste : 

«En 2011 la destination Allemagne a battu son record de l’année dernière et enregistré 63,6 millions de nuitées de touristes étrangers. Avec 330,3 millions de nuitées de touristes allemands, l’Allemagne reste la destination préférée des Allemands. Nous souhaitons dépasser la barre des 400 millions de nuitées» déclarait Ernst Burgbacher, secrétaire d’Etat parlementaire après du ministère fédéral de l’économie et de la technologie, en charge des classes moyennes et du tourisme. Tandis que Pétra Hedorfer, directrice de l’Office national ajoutait : 

«Ainsi en 2011 l’Allemagne est, avec une croissance d’environ 5%, la seconde destination préférée des Européens, juste après l’Espagne (environ 10%). D’après les données provisoires d’IPK international, ce résultat lui permet de creuser l’écart avec la France (environ 2%).» Dans un esprit d’entente cordiale européenne, voilà donc la France prévenue.

Justement, le site de l’Office national du tourisme, dans sa version française se pare des couleurs de la culture et de la nature et dispose même d’un blog spécialisé pour la présentation des actualités culturelles et muséographiques. Je conseille à chacun de le visiter régulièrement. Avec le site du CIDAL et les informations régulières que je donne sur mon profil facebook, c’est un bon moyen de suivre l’actualité culturelle, si on se fonde sur l’événementiel pour organiser un voyage. Explorez-le, cherchez y les villes et les sites. On peut même se demander à un certain moment s’il ne s’agit pas plus d’un site de valorisation patrimoniale qu’un site de services touristiques. On comprend par contre cette réserve et cet esprit généraliste quand on sait que ce sont les Länder qui sont maîtres de leur politique touristique. Ce qui veut dire par conséquent que l’on doit explorer région par région pour aller dans le détail. Ce que nous ne manquerons pas de faire dans les mois à venir, en fonction des événements en cours.


Parc de l'Eifel

Le patrimoine au premier plan

Rien d’étonnant donc, dans cet esprit fédéral à ce que l'office du tourisme mène, jusqu'au 15 mars, une enquête visant à établir les 100 sites touristiques préférés des visiteurs étrangers en Allemagne. Traduite en 26 langues, cette enquête est accessible depuis le site Internet et depuis Facebook. Les résultats seront utilisés pour développer une application pour smartphone. 

Complémentairement, depuis le 28 février, le ministère fédéral des Affaires étrangères présente l’exposition «Welterbe in Deutschland», qui illustre la beauté et la diversité des sites allemands classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet événement fait partie des festivités organisées à l’occasion du 40e anniversaire de la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel. «Préserver la culture et entretenir le Patrimoine mondial forge l’identité culturelle», a souligné de son côté Cornelia Pieper, ministre adjointe aux Affaires étrangères, en inaugurant l’exposition qui sera ouverte au public jusqu’au 13 avril 2012, du lundi au vendredi, de 10 à 20 heures.



Les chemins de traverse

Quoi d’autre ? Depuis que la commission européenne a mis en avant la pertinence du site mis en place par l’European Travel Commission, je ne manque pas de regarder la manière dont les destinations sont présentées. Dans la version française du site on peut ainsi lire : 

«L'Allemagne a tant de choses à vous faire découvrir. Facile à visiter tout au long de l'année, vous découvrirez des trésors culturels et des richesses de modernité. Le paysage de l'Allemagne est aussi diversifié que tout autre pays au monde. Depuis les stupéfiantes montagnes alpines qui abritent le Zugspitze, le sommet le plus élevé d'Allemagne avec ses 2.962 mètres, fournissant un domaine idéal pour les randonneurs en été et les skieurs et surfeurs en hiver; jusqu`aux 38 kilomètres immaculés de plages de sable doré sur l'Ile de Sylt et le Parc National de Wattenmeer au Nord. Ou encore la Forêt Noire, qui ne regorge pas seulement d'une faune et d'une flore odorante, mais aussi de mythes et légendes de fées et de lutins qui y résident. Les grandes villes allemandes ne manquent jamais d'enchanter les visiteurs curieux.» Je laisse les lecteurs juges de la pertinence de ces évidences et de l’imagination du style.

Si vous voulez aller plus loin, rendez-vous donc de préférence sur les sites des Länders et ne manquez pas de regarder des offres que les itinéraires culturels qui traversent l’Allemagne vous proposent.

Trois routes dont les initiatives sont nées en Allemagne et bénéficient d’un management dans leur pays, mais concernent de cinq à dix pays européens, représentent de très bons exemples d’un lien réel entre le patrimoine, la culture et l’économie touristique.  Il s’agit de l’itinérairede la brique gothique, lié en grande partie aux Villes de la Hanse, de celui des forteresses de la Baltique et enfin de celui qui porte sur les théâtres historiques.



Opéra margrave de Bayreuth


Ne manquez pas bien sûr de visiter les sites web des itinéraires reconnus par le Conseil del’Europe et dont certains, au-delà de leur remarquable pouvoir symbolique et des actions de citoyenneté européenne qu’ils savent mettre en œuvre, présentent des offres touristiques. Nous y reviendrons plus en détail. Il s’agit principalement de la Via Regia (voir site en anglais), de Transromanica qui comporte de réelles offres de tourisme alternatif, en particulier cyclable, des Villes de la Hanse dont les offres sont très dispersées et bien entendu des chemins pédestres, dont ceux vers saint Jacques de Compostelle, et depuis peu, du Nord de l’Allemagne vers Trondheim sur les routes de saint Olav.



Eglise de Jerichow - Route de l'art roman en Saxe-Anhalt


La mémoire au centre du jeu

Les routes sont ouvertes. Je suis resté volontairement assez classique et patrimonial, puisque le mot d’ordre fédéral est bien là…mais les innovations alternatives sont nombreuses et chacun peut prendre les chemins de traverse le long de l’Elbe en vélo, en parcourant les sites industriels de grands bassins sidérurgiques et miniers où se sont constitués des festivals et des musées, à l’intérieur même des grands halls des usines, pour ne pas parler des lieux du Bauhaus et des jardins historiques et contemporains qui ont su se relier par une route de rêve…le Gartentraüme.

Au fond la réunification de ce pays est récente. Le projet de la Via Regia, grande transversale venue d’Ukraine est une réponse fabuleuse à ce travail de reprise de mémoire qui continue chaque jour autant par des reconstructions, que par des expositions ou des centres qui explorent les archives les plus récentes ; celles de la période nazie, comme celles de la période communiste. Une ville comme Weimar, reliée à Buchenwald reste tout autant un symbole que la ville de Berlin réunifiée. Le tourisme de mémoire, comme le tourisme vers les racines, à la recherche des lieux de l’émigration est lui aussi un domaine que des associations et des villes ont su mettre en valeur.


 Maison de Hundertwasser à Magdebourg

Culture, vous avez dit culture ? 

«Rien ne fausse plus perfidement la figure de Goethe que l'image sereine que l'on s'en fait communément (en France du moins). Cette sorte de félicité suprême, où se maintenir impassible et souriant dans une région inaccessible aux orages, n'est pas la sienne. Son spinozisme ne va pas jusqu'à chercher à se soustraire aux passions… Au contraire, il s'abandonne d'abord à chacune, sachant s'en instruire, et ne cherche à s'en délivrer que lorsqu'elle n'a plus rien à lui apprendre. Son but, s'il en eut un autre que celui de vivre le plus possible, c'est de la culture, non le bonheur.». La phrase est d’André Gide.

lundi 20 février 2012

Le Tourisme et l’Europe, un couple réconcilié ?


Tourisme culturel et culture touristique

Au moment de commencer un blog plus technique et en tout cas moins personnel que ceux dans lesquels j’ai écrit jusqu’à maintenant, je pense bien entendu d’abord à l’exercice pratique auquel je me suis livré pendant pratiquement vingt-cinq ans. 

Avoir la chance de travailler comme expert de certains domaines et de certains secteurs du tourisme culturel, puis la chance d’avoir à regarder de près de multiples propositions thématiques dans une cinquantaine de pays et enfin, de jouer un rôle d’intermédiaire entre ceux qui conçoivent et mettent en œuvre des projets et ceux qui décideront ou non de décerner un label, est extrêmement formateur. 

Cela permet principalement, sur un quart de siècle, de mesurer les continuités, les points de rupture et les moments clefs et donc d’échapper en grande partie aux effets de mode.


J’ai connu l’époque, à la fin des années 80 où pratiquement toutes les réunions portaient sur la grande question : « Qu’est-ce exactement que le tourisme culturel ? ». Et ce n’est pas vraiment fini ! J’ai pris l’habitude, pour éviter de régler ce débat en quinze minutes, là où il faudrait le temps de l’écriture d’une thèse, de reprendre une citation : 
"La culture est un phénomène tellement large et complexe qu'une définition claire du "tourisme culturel" en devient impossible et peut même s'avérer inutile." (Tomasz Studzieniecki).


Je peux reprendre sans les changer grandement les termes que j’employai en 2003 : « Le tourisme culturel est donc en passe de devenir, de ce fait, un des lieux privilégiés des contradictions de la société qui le met en œuvre et un des signes les plus tangibles de sa "santé culturelle". Il reste certainement à écrire une "Allégorie du tourisme culturel", après "L'allégorie du patrimoine" de Françoise Choay. »


L’Europe dans son ensemble, ou pour mieux dire, la « Destination Europe » (voir le document récent du Parlement européen mis à jour en 2019) dont parle de nouveau  la Commission européenne depuis 2010 étant considérée comme une destination prisée pour l’importance des témoignages de son histoire et pour la diversité à la fois commune et diversement  identitaire de son patrimoine, une grande partie des futurs « posts » de ce blog porteront d’abord sur les cadres politiques et administratifs où se prennent les décisions sur les programmes et les aides pour une des cibles identifiées dans l’ensemble des touristes, ceux dont le parcours et les visites sont reliés aux pratiques culturelles, et je dirais aussi aux pratiques de protection environnementale et de durabilité. Je n’oublie pas dans cet ensemble le tourisme social.


Une autre section portera sur les propositions qui veulent faire découvrir l’Europe à partir de suggestions précises et réalisables. Le choix de ces exemples sera essentiellement fondé sur l’originalité, sur les « lesser-known destinations » au sens anglophone de l’expression, sur les démarches qui proposent des rencontres inédites et leur donnent du sens, en faisant appel à l’imagination, mais aussi sur les outils qui aident la découverte.


Il sera donc moins question de récits – la médiation et la narration seront présentées ailleurs – que de l’évolution des politiques touristiques en Europe, de la mutation des acteurs qui portent ces politiques, des publications qui permettent de se guider, voire de conseils pratiques qui pointent les bonnes pratiques, sans oublier l’examen des résultats des entreprises les plus concernées, ainsi que les commentaires sur les rendez-vous touristiques incontournables et sur les nouveautés de la filière.


Si j’entreprends seulement aujourd’hui cette démarche d’analyse théorique et pratique, en l’ouvrant aux plus grands nombre, c’est que je me sens libre d’exprimer maintenant des points de vue personnels et de faire aussi la part des souvenirs. Mais ce travail de recherche d’actualité et de bilan rentre également dans la préparation de cours ou d’interventions qui me sont demandées.


Travailler ainsi au jour le jour en suivant l’actualité, y compris en suivant mes amis sur des sites communautaires de mieux en mieux documentés, consiste dans une grande mesure à actualiser le plan d’un cours dont les grands chapitres s’intitulent :


-           Quelle Europe ? Quelles compétences ? Quel travail ? Quels programmes ? Car les organisations concernées sont nombreuses et ne partagent pas les mêmes conceptions territoriales et politiques.


-           Le Tourisme en Europe : des chiffres, des faits, des secteurs.


-           L’Europe et les autres : le tourisme comme outil géopolitique.


-           Le rôle spécifique de la Commission européenne.


-           Le rôle spécifique du Parlement européen.


-           Pourquoi et comment le tourisme culturel en Europe ? Ou encore l’Europe comme laboratoire du tourisme culturel.


-           Le rôle spécifique du Conseil de l’Europe.


Du Livre Vert de 1995 à la Communication sur le tourisme de 2010

J’ai eu la chance de vivre de très près plusieurs moments clefs de l’histoire du tourisme européen de ces vingt-cinq dernières années. Le premier dans lequel j’ai été impliqué a abouti à un rendez-vous manqué. Le dernier a permis enfin la mise en œuvre, voire même la mise en synergie, d’une série de programmes où se retrouvent, à l’initiative de la Commission européenne mise en place en 2009, les grandes institutions européennes.


Trois Institutions travaillent ensemble


Je ne crois pas qu’il soit utile de s’appesantir sur le premier de ces épisodes, mais on peut sans doute en tirer des leçons. Le Commissaire en charge du tourisme au milieu des années 90, Christos Papoutsis, avait pris l’initiative très lucide de réfléchir sur la « Destination Europe », c’est-à-dire sur une politique communautaire du tourisme d’ordre supranational, au moins en ce qui concerne la communication commune, mais aussi dans la perspective des mesures d’impact, et dans celle d’inclure dans cette réflexion le tourisme culturel. Lors de la conclusion du Traité de Maastricht, un alinéa supplémentaire avait finalement été introduit dans l’article 3 en ce qui concerne les mesures dans les domaines de l’énergie, de la protection civile et du tourisme.


Il s’agit précisément de la rédaction du « Livre Vert sur le rôle de l’Union européenne dans lesecteur du Tourisme » (COM(95) finale et de la Proposition xde la Commission pour un premier programme multinational pour assister le tourisme européen nommé "Philoxenia" 1997/2000 COM (95) 168 final du 30 avril 1996).


Si le programme « Philoxenia » a bien commencé à se mettre en place, en bénéficiant par exemple des efforts de la parlementaire  européenne Helena Vaz da Silva et a même, de ce fait, concerné certains itinéraires culturels du Conseil de l’Europe qu’elle défendait comme « L'Itinéraire des Villes des Grandes Découvertes », c’est que des fonctionnaires de trois institutions ont décidé de travailler la main dans la main : d’un côté ceux de l’Agence pour la Culture créée par l’ancien Directeur Général du Conseil de l’Europe, JoséVidal-Beneyto et présidée par Edgar Morin, travaillant dans le cadre de l’UNESCO, de l’autre ceux de l’Unité Tourisme de la Commission européenne, sous l’égide du Commissaire en charge du tourisme et enfin la Direction de la Culture, de l’Enseignement et du Sport du Conseil de l’Europe, sous l’impulsion de Raymond Weber.


Christos Papoutsis
C’est là où la notion de tourisme culturel, malgré ses contours incertains, prend toute sa place. L’importance de visiter le patrimoine de l’autre est mise en avant par la Commission européenne comme un moteur du voyage en Europe, ce que le Conseil de l’Europe appelait par ailleurs de ses vœux depuis 1984. Je crois qu’il s’est agi d’une grande réussite, puisque par une sorte de complot interinstitutionnel des administrateurs, trois groupes avaient réussi à faire en sorte qu’en mars 1996, le Directeur Général de l’UNESCO, Federico Mayor Zaragoza, le Directeur Général du Conseil de l’Europe, Raymond Weber et le Commissaire européen Christos Papoutsis tiennent des discours complémentaires sur une philosophie commune des rapports entre tourisme et culture, dans le cadre même d’un Salon du tourisme, la BIT de Milan.



Quelques mois plus tard, une «Déclaration de Majorque» sur le tourisme culturel était proposée conjointement par l’UNESCO et le Conseil de l’Europe, grâce à des réunions aidées financièrement par la Commission Européenne. On y lit : 
«Depuis le Siècle des Lumières, la vie culturelle en Europe a trouvé un moyen d'expression, en même temps qu'une ressource inépuisable : les voyages. C'est l'Europe en effet qui, dans toutes les phases pacifiques de son histoire, a développé les échanges culturels liés à des déplacements : récits des écrivains-voyageurs, séjours d'artistes, inspiration cherchée sous d'autres cieux, modes des visites culturelles lointaines, comme ces fameux "tours en Europe" des  enfants de 1'aristocratie anglaise qui ont donné son nom au tourisme... À l'appui de ces pratiques, c'est toute une logistique de l'accueil initialement gracieux puis de l'hospitalité marchande qui s'est mise en place. L'Europe a inventé et mis au point le service touristique au bénéfice d'un tourisme initialement consacré à la culture et à la découverte de l'autre


Coup d’arrêt


Je suis content de relire aujourd’hui les textes issus des réunions préparatoires à cette Déclaration, car je me rends compte que la création de l’Institut Européen des Itinéraires culturels en 1997 a non seulement maintenu au Luxembourg un programme européen qui ne trouvait plus ses financements eu sein du Conseil de l’Europe, mais qu’il y a maintenu aussi un fil fragile tendu entre tris Institutions et qui pouvait être utilisé pour «Recoudre l’Europe» comme le disait José Maria Ballester.


En effet peine un an plus tard, au moment où l’Institut Européen des Itinéraires culturels s’installait au Grand-Duché de Luxembourg pour mettre en œuvre de manière concrète des initiatives qui se situent dans la prolongation logique de cette réflexion, le Conseil des Ministres du Tourisme, réuni dans le cadre de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne, et à la demande entre autres  de l’Allemagne et du Royaume-Uni, retoquait le Livre Vert et ses préconisations pour revenir à une conception décentralisée et plus nationale des politiques touristiques, en demandant le retour au strict respect des règles de subsidiarité.


Malgré cette mauvaise nouvelle, une politique innovante en matière de médiation touristique a continué à développer. L’Institut a réussi également à mettre en œuvre la démarche de visibilité d’un programme de recherche intitulé PICTURE dont une partie visait une meilleure définition du tourisme culturel, mais dont l’effort essentiel était dirigé vers une analyse d’impact du tourisme culturel sur les ressources et l’économie des petites et moyennes villes. Nous sommes là entre 2003 et 2006.

Réunion finale du programme PICTURE. Abbaye de Neumünster
Salon du tourisme culturel des petites et moyennes villes

Autre étape et en quelque sorte une belle revanche, l’organisation en avril 2005 par l’Institut à Luxembourg de la conférence sur le tourisme culturel de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne, réunissant les délégués des Ministères du la Culture et des Ministères du Tourisme des pays de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe. Du jamais vu sans doute sur autant de pays pour une véritable confrontation paneuropéenne entre culture et tourisme.


Tout repart


Une année plus tard, le 21 mars 2006, j’ai assisté à Vienne à la présentation des résultats de la Conférence des Ministres européens du Tourisme sous le titre : “Tourism - Key to Growth and Employment in Europe" (Le tourisme – clé de la croissance et de l’emploi en Europe). Le vice-président de la Commission, Günter Verheugen, déclarait à l’époque : 
L’Europe est la première destination des touristes dans le monde. Nous devons cependant faire davantage pour conserver notre avantage concurrentiel. Nos propositions ajoutent une valeur européenne aux efforts des États membres. Elles contribueront à promouvoir l’Union en tant que destination unique du tourisme, de façon plus efficace et coordonnée.




Un Agenda 21 pour le tourisme y était prévu qui a abouti à la mise en place d’un Groupe de réflexion sur le tourisme durable et compétitif et, en 2007, à la création du réseau NECSTOUR. La recherche systématique de données, qui est également annoncée, a certainement abouti au projet actuel d’Observatoire européen du tourisme. Il y est bien entendu question de meilleure visibilité, de convergence des instruments de financement européens vers le tourisme, toutes politiques qui sont aujourd’hui en train de prendre forme. Le site visiteurope.com, géré par la Commission Européenne du Tourisme (European Travel Commission) était aussi lancé en grande pompe à cette occasion, dans l’harmonie des grands opérateurs touristiques et des offices nationaux des futurs vingt-sept et l’implication de grands opérateurs informatiques.


Mais avec beaucoup de prudence et de respect, la Commission affirmait : 
«En mettant en œuvre  cette politique, la Commission développera un partenariat étroit avec les autorités des États membres et les intervenants dans le secteur du tourisme. Les partenariats doivent constituer un élément central de l’action à tous les niveaux (européen, national, régional et local; public et privé). En règle générale la Commission affirme que la politique européenne du tourisme devrait être complémentaire des politiques menées dans les États membres».


On comprendra que je ne passe pas sous silence le fait que  11 avril 2006, Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, présentait devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe un rapport sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne qui lui avait été commandé un an plus tôt par les chefs d'État ou de gouvernement des 46 États membres, réunis au sommet à Varsovie les 16 et 17 mai 2005. Le rapport Juncker formulait des recommandations pour améliorer la coopération et la coordination entre les deux organisations : Conseil de l’Europe et Union Européenne. Le premier Ministre remarquait tout particulièrement qu’en ce qui concerne la coopération culturelle, l’Union Européenne poursuit les mêmes buts que le Conseil de l’Europe à travers son Programme Culture 2000 (promotion de l’identité, respect de la diversité, soutien à la créativité, etc.) et qu’elle se dit d’être ouverte à la collaboration avec les autres organisations internationales compétentes. Le Premier Ministre Juncker suggérait par conséquent qu’une telle collaboration entre les deux Institutions s’élargisse aux itinéraires culturels européens, comme c’est le cas affirmait-il «…pour d’autres initiatives, telles que l’année européenne des langues ; les journées européennes du patrimoine.»


La même année avait lieu à Delphes un Forum organisé autour de la remise de la mention Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe à la Route de l’Olivier
Les participants demandaient en fin de réunion au Conseil de l’Europe de lancer une initiative ou plate-forme de Delphes susceptible de réunir tous les acteurs responsables, ainsi que les financeurs des itinéraires culturels. Il confiait à l’Institut de Luxembourg le soin de préparer une analyse et un rapport introductif à cette plate-forme en s’appuyant sur les réunions du XXe anniversaire du programme.

 Exposition Route de l'Olivier. Delphes 2006.

Vers une nouvelle politique européenne


Le 17 octobre 2007 la Commission des Transports et du Tourisme du Parlement Européen, après consultation de la Commission Culture, propose un Rapport et des Recommandations «Sur une nouvelle politique européenne du tourisme visant à renforcer le partenariat pour le tourisme en Europe » (2006/2129(INI)) et Rapport. Le Parlement, sur la base de la Résolution du 8 septembre 2005 sur les nouvelles perspectives et les nouveaux défis pour un tourisme européen durable, invite à cette occasion de choisir des priorités, afin de les concrétiser plus rapidement. Il entend en particulier encourager les initiatives telles que les itinéraires culturels européens, comme expériences  positives pour leurs actions de promotion de destinations touristiques européennes qui nécessitent une visibilité accrue.


Tandis que l’Union Européenne dédie une année au dialogue culturel et que se poursuit une réflexion sur un «Label du Patrimoine européen», idée lancée en 2005 par la France à la veille du Référendum sur le Traité constitutionnel, une série d’initiatives européennes prennent forme pour sélectionner les bonnes pratiques et établir des critères de gestion et d’évaluation de destinations et sites européens durables.


NECSTOUR, le réseau des Régions européennes qui s’insère dans le cadre de l’Agenda pour un Tourisme Européen Compétitif et Durable est créé à Florence en septembre 2007 à l’initiative de la Région Toscane, suivie par Provence Alpes Côte d’Azur et Catalogne. Depuis 2007,  de nombreuses rencontres ont eu lieu (Marseille, Riccione, Plymouth, Florence, Bruxelles…) pour arriver à la constitution d’une association qui accueille le plus grand nombre possible de régions européennes, des Universités et des Institutions qui travaillent avec les Régions en matière de tourisme durable et compétitif. Le réseau a commencé à individualiser les indicateurs de la durabilité qui seront testés sur de petites destinations avant d’être validés. L’Institut Européen des Itinéraires culturels est membre du réseau depuis son origine. Il  a apporté sa contribution régulière dans le groupe de travail sur la « Conservation Active du patrimoine culturel et des identités des destinations  » et depuis l’été 2011 dans le cadre d’une task-force « Gouvernance des itinéraires culturels » en élaborant un questionnaire sur les rapports entre politiques régionales et itinéraires culturels.


Le Programme EDEN (European Destination of Excellence) a été lancé avec un grand succès par la Commission européenne avec le but de sélectionner des destinations en dehors de circuits touristiques de masse, destinations qui respectent et valorisent les contextes environnementaux, économiques et sociaux à l’échelle locale.


On trouve bien sûr sur le site de la Commission européenne, la description des programmes en question, ainsi que celle d’autres initiatives complémentaires et celles qui ont été retenues plus récemment.

Je n’évoquerais pas ce qui concerne plus directement le travail considérable qui a été engagé ou mis à jour dans les mêmes années sur le droit du tourisme : droit des passagers, législation du transport low-cost, règlements concernant les locations de résidences ou de voitures… Le document du 15 mai 2007 préparé par l’organisation Tourismlaw déjà cité est extrêmement complet à cet égard.



Le Traité de Lisbonne, dimension économique et pouvoir de l’itinérance

Le Traité de Lisbonne, adopté après beaucoup de nuits blanches fin 2009, a sauvé in extremis le concept même de Traité constitutionnel commun. Il est venu clore cette séquence où le dynamisme des Institutions a dû faire face à une inertie réelle de certains états et fort heureusement, a pu bénéficier du dynamisme des autres, en ce qui concerne l’idée de politiques touristiques communes.


On n’a peut-être par contre pas suffisamment mesuré sur le moment l’importance de l’article 195 du TFUE. L’Union européenne peut en effet ainsi : 
«Promouvoir la compétitivité des entreprises de ce secteur et créer un environnement favorable à leur développement, favoriser la coopération entre les États membres, notamment par l'échange de bonnes pratiques et enfin développer une approche intégrée du tourisme en assurant la prise en considération de ce secteur dans ses autres politiques.»


La porte étant ainsi entrouverte, le Commissaire européen Antonio Tajani, avec l’aide de son équipe rapprochée et des fonctionnaires de l’Unité Tourisme, a mis seulement six mois à préparer une «Communication de la Commission» intitulée : «L'Europe, première destination touristique au monde - un nouveau cadre politique pour le tourisme européen.» 
Il l’a de surcroît présentée à la fin de la Présidence espagnole du Conseil de l’Union Européenne, d’abord lors d’une conférence de presse à Bruxelles, puis ensuite à la mairie de la capitale de Galice, à la fin d’une marche de cinq kilomètres vers Saint-Jacques de Compostelle. Cette marche redoublait, de toute évidence par le symbole, l’importance de l’itinérance vers l’Europe et en Europe, un mouvement qui avait été lancé en septembre 1987 par le Conseil de l’Europe, puis renouvelé par une exposition en octobre 2007 sous le thème : « L’Europe est le chemin » sur la place de l’Obraidoro.

Exposition "L'Europe est le chemin"
Si cette situation inédite a favorisé le développement d’un volet d’expression touristique complètement original et très exigeant des Itinéraires culturels, par rapport aux marchés classiques, offre touristique massivement ignorée par les plus importants « stakeholders » pendant quasiment vint ans, c’est que de bons anges se sont penchés début 2010 sur la question du rapprochement opérationnel entre les deux Institutions.
La rencontre la plus symbolique et de ce fait certainement la plus émouvante, s’est déroulée en mars 2010 lors de l’Assemblée Générale de l’Association européenne des Vie Francigene à Montefiascone, en présence du Commissaire Antonio Tajani et de la députée européenne Silvia Costa. Il s’agit de toute évidence du moment clef où le processus s’est accéléré et où l’idée de présenter une exposition sur les Itinéraires culturels à Bruxelles lors de la Journée Européenne du Tourisme a pris réellement forme. Après cette date, les bons anges se sont multipliés pour aboutir à un travail en commun, pour ne pas parler de la finalisation en moins d’un  an de  l’Accord Partiel élargi sur les Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe. 
Le second Forum de Delphes en avril de la même année, et une réunion organisée au sein du Campus Lucca en mai ont apporté leur concours pour réunir des engagements politiques, comme pour animer des discussions exigeantes, favorisant une démarche de convergence devenue ainsi incontournable.


Massimo Tedeschi, Antonio Tajani et Silvia Costa. Montefiascone
L’intention de la « Communication » est bien évidemment d’abord clairement économique : «Le tourisme est une activité économique stratégique pour l'économie européenne et le secteur va probablement continuer à gagner en importance dans les années à venir….Le secteur génère plus de quatre pour cent du PIB de l'UE, avec environ deux millions d'entreprises, qui emploient près de quatre pour cent de la main d'œuvre totale (soit environ huit millions d'emplois). 
Toutefois, compte tenu des secteurs dépendant indirectement du tourisme, on peut estimer que la contribution de celui-ci au PIB est bien plus importante : indirectement, le tourisme génère environ onze pour cent du PIB de l'Union européenne et emploie quelque douze pour cent de la main d'œuvre.»
Prenant acte cependant que, depuis 2008, la crise économique menace tous les secteurs et que certains aléas climatiques ou géologiques n’ont pas favorisé le tourisme européen dans son retour vers la profitabilité, la Communication ajoute : 
«Ce contexte difficile pour l’industrie du tourisme a mis en évidence un certain nombre de défis auxquels doit faire face le secteur du tourisme européen. Pour y répondre, il est primordial que tous les acteurs du secteur puissent joindre leurs efforts et travailler dans un cadre politique consolidé qui prenne en considération les nouvelles priorités de l’UE exprimées dans sa stratégie « Europe 2020 » : l’Europe doit demeurer la première destination au monde, apte à valoriser la richesse et la diversité des territoires qui la composent


Cette primauté européenne est réaffirmée à plusieurs reprises : 

«Par ailleurs, l’Union européenne demeure la première destination touristique au monde, avec 370 millions d’arrivées de touristes internationaux pour l’année 2008, soit 40 % des arrivées à travers le monde, parmi lesquels 7,6 millions en provenance des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), en nette croissance par rapport à 4,2 millions en 2004. Ces arrivées ont généré des revenus de l'ordre de 266 milliards d'euros, dont 75 milliards d'euros par des touristes venant d'en dehors de l'Union. Quant aux voyages effectués par les ressortissants européens eux-mêmes, ils sont estimés à environ 1,4 milliard, dont environ 90 % ont lieu au sein de l’UE


Un tel constat liminaire, qui est longuement développé dans le texte, a pour intérêt de constituer le socle d’une série de quatre axes majeurs de travail que nous aurons l’occasion dans les mois qui viennent de développer en fonction des dates de leur mise en application. Mais la véritable révolution ne concerne pas seulement l’importance qui est accordée au secteur culturel et patrimonial - nous avons vu qu’il était déjà présent dans les publications antérieures - mais le fait que cette priorité transversale culturelle soit affirmée avec autant de force dans une Communication qui engage tous les pays membres : 

«L'Union européenne peut contribuer à la diversification de l’offre en encourageant les flux intra-européens grâce à la valorisation de produits touristiques thématiques à l’échelle européenne. En effet, les synergies transnationales peuvent favoriser une meilleure promotion et une visibilité touristique accrue. Elles peuvent ainsi inclure l'ensemble du patrimoine dans toute sa diversité: patrimoine culturel (y compris les itinéraires culturels), création culturelle contemporaine, sites naturels protégés, tourisme de bien-être et de santé (y compris tourisme thermal), tourisme d’éducation, tourisme oenogastronomique, historique, sportif ou religieux, agritourisme, tourisme rural, ou encore le tourisme valorisant le patrimoine maritime et culturel subaquatique ainsi que le patrimoine industriel ou le tissu économique d’une région.»


Et encore : 
«À cet effet, la Commission a déjà entamé une coopération avec le Conseil de l’Europe en matière de tourisme culturel afin de mieux en évaluer l’impact et d’en assurer une meilleure visibilité. D'autres initiatives transfrontalières ont vu le jour ces dernières années, comme des parcours cyclistes européens ou des itinéraires de pèlerinage, tels que la « Via Francigena » ou le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. La Commission considère que plusieurs de ces initiatives gagneraient à être reconnues et à bénéficier d'une légitimité européenne qui garantirait leur caractère transnational. Cette reconnaissance de leur vocation européenne est susceptible de créer les mêmes dynamiques que l'expérience réussie des « Capitales européennes de la Culture » qui agissent comme un catalyseur pour le développement local et le tourisme en mettant en œuvre tous les ans un programme culturel ambitieux et attractif à l’échelle européenne.»


Exposition des Itinéraires culturels du Conseil de l'Europe.
Berleymont septembre 2010

Il ne s’agit pas là d’un simple exposé d’intention puisque, après la Journée Européenne du Tourisme consacrée aux Itinéraires culturels en septembre 2010, et grâce à un budget adopté par le Parlement européen fin 2010, deux appels à proposition concernant le tourisme thématique transfrontalier ont été mis en place en 2011 et qu’un programme joint se poursuit entre le Conseil de l’Europe et la Commission Européenne depuis novembre dernier.

Label(s) de qualité

Qui dit destination commune et intégrée, dit forcément - au moins - construction d’une image et d’une communication communes : 
«L'image de l'Europe et sa perception comme un ensemble de destinations touristiques durables et de qualité doit être améliorée. Le renforcement de l’attractivité des destinations européennes et leur meilleure visibilité devraient entraîner d’importantes retombées économiques par la stimulation des arrivées de touristes non-européens, mais aussi à travers un intérêt accru de la part des Européens pour voyager sur leur propre continent.» Et encore : «Développer une marque européenne « Qualité Tourisme », sur base des expériences nationales existantes, pour accroître la sécurité et la confiance du consommateur dans le produit touristique et récompenser les démarches rigoureuses engagées par les professionnels du tourisme dont l'objectif est la qualité des services touristiques pour la satisfaction du client


Pour qui fréquente les organisations transnationales ou intergouvernementales depuis des dizaines d’années, ce langage est non seulement particulièrement nouveau, mais il veut dire que des habitudes bien ancrées doivent au plus vite être bousculées, et en particulier toutes celles qui visent la concurrence sauvage entre destinations européennes. «Vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà !» est une devise largement appliquée par les offices nationaux du tourisme. 
Or l’Action 18 prévoit de : 
«Créer, en coopération avec les États membres, une véritable «Marque Europe», qui puisse compléter les efforts promotionnels au niveau national et régional et mieux permettre aux destinations européennes de se distinguer des autres destinations internationales.» et la N° 20, de  «Favoriser des actions communes de promotion lors de grands événements internationaux ou dans les foires et salons touristiques de grande ampleur


Qu’en est-il vraiment ? Je ne développerai pas de manière trop détaillée la façon dont le « Label du patrimoine européen » - d’ailleurs cité dans la Communication  - est entre temps devenu un programme communautaire qui vise, avec des critères de citoyenneté européenne, à indiquer aux touristes des sites, voire des espaces transfrontaliers hautement significatifs de l’histoire de l’Europe. Il suffit de reprendre quelques citations de la Décision No1194/2011/UE du Parlement Européen et du Conseil portant définition de ce label dans un cadre élargi : «En plus de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union chez les citoyens européens et de stimuler le dialogue interculturel, l’action pourrait aussi contribuer à mettre en valeur le patrimoine culturel et à souligner son intérêt, à accroître le rôle du patrimoine dans le développement économique et durable des régions, en particulier à travers le tourisme culturel, à encourager les synergies entre le patrimoine culturel, d’une part, et la création et la créativité contemporaines, d’autre part, et, plus généralement, à promouvoir les valeurs démocratiques et les droits de l’homme qui sous-tendent l’intégration européenne.»

Tout en indiquant en quoi il assure une complémentarité par rapport à d’autres initiatives antérieures, le texte précise à propos du label : 
«Il y a lieu de chercher à donner au label une valeur ajoutée et à établir des complémentarités entre ce label et d’autres initiatives, telles que la «liste du patrimoine mondial» et la «liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité» de l’Unesco ainsi que les «itinéraires culturels européens» du Conseil de l’Europe. La valeur ajoutée du label devrait découler de la contribution des sites sélectionnés à l’histoire et à la culture européennes, y compris la construction de l’Union, d’une dimension éducative claire atteignant les citoyens, en particulier les jeunes, et de l’établissement de contacts entre les sites pour que ceux-ci partagent leurs expériences et leurs bonnes pratiques. L’action devrait mettre l’accent principalement sur la promotion et l’accessibilité des sites, de même que sur la qualité des informations et des activités proposées, plutôt que sur la sauvegarde des sites, qui devrait relever des dispositifs de préservation existants


Par contre, je tiens à signaler quelques-uns des axes du travail entrepris dans le cadre d’une consultation des professionnels du tourisme visant la mise en place d’un « European Tourism Quality Label ». Une réunion ouverte sur les résultats de cette consultation ayant eu lieu le 25 janvier 2012 à Bruxelles, j’aurai l’occasion d’y revenir. Mais cette consultation précisait bien entendu les objectifs du futur ETQ répondant un concept de « Label ombrelle ». 
Il se présente de ce fait un peu comme un animal à trois têtes : 

« For Europe, it is a competitive instrument and a promotion tool: it aims at improving the profile of Europe as a set of high-quality destinations in order to remain Nr 1 tourism destination of the world. For tourism businesses, it is a management tool: it provides tourism establishments and organisations with the possibility of constant monitoring and improvement of their performance to win the confidence of consumers and business partners. It also seeks to facilitate business connections and the exchange of best practices. For consumers it is an information tool: its aim is to empower consumers by raising their awareness on what they could expect from establishments which bear the ETQ logo in comparison with those not recognised by the ETQ Label.


Les discussions qui ont eu lieu de manière très ouverte en janvier 2012, en présence des délégués des pays membres et des grandes organisations représentant les professionnels et les consommateurs, ont été passionnantes car on pouvait y écouter de manière très concrète combien les débats sur la subsidiarité en cette matière sont loin d’être clos. Des labels de qualité existent bien entendu déjà, sans parler des normes ISO et un énorme travail a été déjà réalisé en France ou en Italie. Mais la question est bien de savoir à quoi peut servir une ombrelle quand le soleil ne brille pas partout avec la même intensité.

En forme de conclusions ouvertes

Dans son ouvrage polémique « Le doux monstre de Bruxelles ou l’Europe sous tutelle » Hans Magnus Enzensberger indique qu’à son sens, nous sommes entrés dans un âge post-démocratique. Il cite en particulier Robert Menasse (voir « Populismus zerstört Europa » paru dans Die Zeit du 20 mai 2010) qui a longuement commenté le « déficit démocratique » de l’Union européenne. Il revient sur un des principes fondateurs qui explique, mais ne justifie sans doute pas, ce long parcours semé d’embûches que je viens d’évoquer : 

«En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union».


De fait, nous y sommes, pour le tourisme, en ayant tout de même l’impression d’avoir perdu quinze ans !

Ceci dit l’ancien président de la République fédérale d’Allemagne Roman Herzog, en tempérant nos ardeurs ajouterait à ce texte un commentaire peut-être réaliste sur l’équilibre entre subsidiarité et centralité, réaliste mais bien décourageant : 

«En vérité, cela devrait aller de soi, mais dans l’esprit des hommes politiques, fonctionnaires ou lobbyistes de Bruxelles, cela ne joue à peu près aucun rôle. » (Lire « Die EU schadet der Europa-Idee » dans le Frankfurter Allegemeine Zzeitung du 15 janvier 2010).»


Je suis de toute manière un éternel optimiste et je veux prendre positivement le fait que la démocratie européenne a inventé, poussée par sa nécessité de réussite de l’Union, un concept post-moderne de prise de décisions qui lui permet d’avancer en posant au fur et à mesure sur la table ses contradictions. Si je reste frustré d’avoir eu à vivre le développement d’un magnifique projet en ayant l’impression de parcourir en permanence des montagnes russes, je reste cependant persuadé que ce qui se nomme toujours tourisme culturel, faute de mieux, touche profondément une dimension anthropologique qui est celle de la nécessité de la «Route», dimension bien entendu confirmée par l’universalité du pèlerinage et par la métaphore du «Chant des pistes » de Bruce Chatwin et que nous sommes entrés sans retour dans une phase de ré-enchantement de l’idée européenne par le tourisme de découverte, dans sa version, en effet, démocratique.


J’ai inscrit depuis des années comme une devise pour mon travail le texte de 1994 de Georges Duby dans l’ouvrage «Repousser l’Horizon» : 
«L’histoire surtout est entraînante. Elle n’a cessé de jouer ce rôle impulsif en Europe. Je suis persuadé que notre culture tire une grande partie de sa vigueur de ce qu’elle est plus résolument que les autres cultures du monde historisante, et que le goût qu’ont les Européens de leur passé, le respect qu’ils ont porté à leurs souvenirs, le soin qu’ils ont pris de les transmettre d’âge en âge, leur sentiment d’être en marche constamment vers un but constituent l’un des éléments majeurs de cet esprit faustien qui permit à l’Europe dans tous les domaines ses conquêtes.»

Repères bibliographiques (ouvrages cités) :
Tomasz Studzieniecki, Tomasz Mazurek, (2007) "How to promote a cross-border region as a tourism destination – the case study of the bug Euroregion", Tourism Review, Vol. 62 Iss: 1, pp.34 – 38.

Pour le tourisme culturel. Editeur : Institut culturel del Món /Agence européenne pour la culture. Année de parution : 1996. ISBN/ISSN : 84.87789.41.2

Hans Magnus Enzensberger. Le doux monstre de Bruxelles ou l’Europe sous tutelle. .2011. Edition en langue allemande : Sanftes Monster Brüssel oder der Entmündigung Europas. Suhrkamp Verlab Berlin. 2011.

Bruce Chatwin. The Song Lines. Franklin Center: Franklin Library, 1986.  «Le vrai domicile de l'Homme n'est pas une maison mais la Route, et la vie elle-même est un voyage à faire à pied»

Repousser l’Horizon / Pushing back the Horizon. Editions du Conseil de l’Europe / Editions du Rouergue. 1994.